mardi 5 novembre 2019

Les Vents

Les vents
De gros nuages se détachent et s’effacent. Des vents se lèvent sans pour autant couvrir le cri des goélands dans les embruns. Ces oiseaux quittent toujours la partie quand les vents très remontés se déchaînent. Chassés à l’intérieur des terres, les voici bientôt en bandes désordonnées à la recherche de nourriture. 
L’amateur de grèves et de solitude (celui que le tourisme de plage insupporte) sait par avance que l’ivresse des grands vents repousse l’inclination à la mélancolie car le corps, tout entier tendu, s’y mesure ; s’éprouve et s’oublie. Cette seule tâche — perdue d’avance — le surprend et l’absorbe. Aussi est-elle infiniment recommencée.
Le parfum des vents si agile à franchir les contrées du rêve est porteur de mondes inconnus. Les vents dominants se jouent des cartographies en les réinventant en permanence. Fragilité des annonces météo. Le premier vent venu ne dit rien ou si peu des vents contraires à venir. Les vents tournent.
Grands fouets de novembre. Les vents tempêtueux peuvent soulever les flots, décupler les creux, dévaster les côtes, produire des naufrages.  Cette fureur des éléments se déploie sur fond de peurs à demi-contenues. On se plaît à voir de très près les tempêtes, la violence de la houle, un bateau drossé par les vents et les courants à la côte. A défaut leur représentation. 
Les œuvres des peintres et des musiciens interrogent en cela notre rapport au monde. Intrigant pouvoir. L’arrachement à la nature par l’art est une opération à travers laquelle nous nous reconnaissons. Le tréfonds de l’âme se révèle dans la manière dont nous façonnons et scrutons nos propres vies. 
Nos bouches, nos yeux, nos gestes désignent souvent des blessures intérieures, des abîmes. Combien de joies, de sourires et de précautions pour les contenir ? Ces abîmes nous possèdent : ce sont nos miroirs. Impossible de nous en défaire ou de nous en écarter bien longtemps. Les mots heureusement s’efforcent de tenir la mémoire tranquille sans la congédier. 
Claude Briantais

Claude Briantais écrit comme j'aimerais pouvoir le faire
Merci à lui de me permettre de bloguer ce magnifique texte 

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