Les mots qui fâchent par Philippe Torreton.
Ceci sera ma dernière chronique dans l’Huma. À moins qu’en lieu et place de ce billet, on me laisse écrire chaque semaine une recette de cuisine ou des conseils de jardinage, car le reste me procure un profond dégoût. Comme beaucoup d’entre vous, j’espérais de cette élection : nous avions rendez-vous avec l’Histoire, je l’ai dit à Jean-Luc Mélenchon. Jeudi 23 février dernier, les portes n’étaient pas officiellement fermées au dialogue, même âpre et tendu. Mais cet entrebâillement, reconnaissons-le maintenant, n’était que posture. Je ne sais pas si la gauche y laissera des plumes et, pour tout vous dire, je m’en moque un peu de la gauche, si la gauche c’est ce résultat. Ce qui est grave pour moi, c’est que l’écologie soit passée tout près d’une victoire historique et qu’elle va retomber dans les oubliettes des préoccupations politiques. La gauche va regarder Marine Le Pen, François Fillon et Emmanuel Macron, ils devront beaucoup à Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Maintenant, vient le temps des vrais débats sérieux, qui fleurent bon le terroir et l’encaustique, la baisse des dépenses publiques, celle des charges qui pèsent sur les entreprises, la réduction du nombre de fonctionnaires, la recherche sur le gaz de schiste, la flexibilité, la quête de croissance, la sécurité, les valeurs de la France, la laïcité instrumentalisée… Car, c’est cela, ce non-accord : un blanc-seing pour la droite. Chacun reconnaissant qu’il vaut mieux la droite qu’un compromis. Pourtant, il me semble qu’un compromis, même en mordant sa chique, aurait soulagé bien de la misère en France ; un compromis aurait peut-être permis à quelques centaines de milliers de personnes de retrouver un toit ; un compromis, même tiré par les cheveux, aurait pu améliorer les conditions de travail de centaines de milliers de travailleurs au bout du rouleau ; un compromis aurait sûrement sauvé des sites naturels, rendu respirable de l’urbain asphyxié, amélioré la santé des plus faibles, remis à l’école des errances, donné de l’espoir aux enseignants et calmé la police en la rapprochant du peuple. Ils n’avaient pas envie de ça, nos deux têtes… d’affiche. Peut-être que la France ne va pas si mal que ça, finalement. Si ça se trouve, je me monte le bourrichon. Peut-être que tout cela peut attendre… Voilà, chers amis, je laisse la case à un poète qui saura donner dans l’allusif. Maintenant que la bataille est perdue, on peut penser à autre chose. Si vous êtes intéressés par ma recette de terrine de lapin façon mémé, écrivez au journal, qui transmettra.
Philippe Torreton
Philippe Torreton
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