On persiste à présenter Sébastien Texier comme le fils du grand Henri, tant il est vrai qu’il a grandi à tous les sens du mot (familial, musical, humain) aux côtés de son contrebassiste de père, et poursuit avec lui une route sans égale depuis la seconde moitié des années 90. Soit, mais à 46 ans, le saxophoniste clarinettiste est plus que jamais dans l’affirmation d’une personnalité sensible qui trouve avec le Dreamers Quartet une formation lui allant comme un gant. « Certains m’ont dit que mon disque était triste », confie-t-il après le concert. Triste, ah bon ? Voilà une étrange erreur de perception. Dreamers, c’est la part du rêve qui vit en chacun des amoureux de la musique et de la vie : rêves de fraternité, de douceur, de Nouvelle-Orléans, de voyages et de paysages majestueux. Hommage, aussi, aux musiciens qui ont fait rêver (tels Ornette Coleman ou Paul Motian). Et si parfois la nostalgie pointe (« Dreamers »), elle laisse beaucoup de place à la douceur (« Smooth Skin ») ou à la joie de vivre (« Let’s Roll »). Et puis, il faut bien le dire : c’est un vrai bonheur que de ressentir toute l’amitié qui unit ces quatre musiciens « fort rêveurs », entre lesquels circule là aussi beaucoup d’énergie, mais qu’on qualifiera cette fois de solaire, tant elle irradie le groupe de lumière. Sébastien Texier est entouré de Pierre Durand, guitariste protéiforme et généreux qui habite chaque note jouée, mimiques à l’appui. Il multiplie les couleurs, lui le bluesman dont le récent ¡Libertad ! est un enchantement. Guillaume Dommartin fait partie des batteurs adeptes du foisonnement, et son rôle d’agent propulseur est à peine contrarié lorsque la pédale de sa grosse caisse fait un gros caprice au beau milieu d’un long chorus. Un petit incident symbole de vie et prétexte à une gestuelle debout qui en dit long sur le bonheur d’être là. Olivier Caudron ouvre de larges espaces aux commandes de son orgue Hammond B3, cet instrument chargé de tant de belles histoires. Il contribue pour beaucoup à la définition du son, ample et généreux, d’un groupe au cœur duquel Sébastien Texier peut s’épanouir, un large sourire aux lèvres, au saxophone alto ou à la clarinette. Il y a du plaisir au milieu de tous ces rêves et le public, jusque-là un peu tiède, finit par se réveiller et demander une prolongation. Qu’il a obtenue, au ravissement de chacun. Un rêve est passé.
Sur la platine : Dreamers (Cristal Records – 2015)
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