24 mars au studio Melodium : la chanson « Prendre ma place » est née !!!
Jour J ! Vendredi 24 mars. Montreuil.
Pierre a RV au studio Melodium (M° Robespierre) à 8h45 avec l’ingénieur du son et réalisateur Nicolas Dufournet. Peur qu’il ne soit pas à l’heure (tendance naturelle + décalage horaire Paris-Bangkok datant de la veille au soir, ça peut faire mal !). Ce serait totalement catastrophique… 17 personnes prévues dans le studio ce jour. 5h ce matin pour boucler l’enregistrement de la partie instrumentale et des 8 voix… Bref, un défi. J’ai prié à plusieurs reprises pendant la semaine pour que « tout roule » comme on dit… Résultat, c’est Pierre qui n’est pas là !! Un problème de métro quelconque (tendance naturelle aussi + souci récurrent avec la RATP, et le tour est joué…)
Quand j’arrive à 9H, Nico m’attend, sourire aux lèvres, me disant presque bonjour en thaïlandais et me confirmant qu’il avait la sensation qu’il était 4h du matin ! Ah oui d’accord, sauf que là on part pour un marathon de 12h de taf, enfermés dans une (jolie) cave ! Il va falloir envoyer… Et faire comme s’il était l’heure qu’il est et qu’on avait tous méga bien dormi.
Eric, le vidéaste, sonne. Il pensait que les élèves arrivaient à 9h… Raté. Du coup, il est là avec une heure d’avance, lui. Il repère les lieux, tente de faire améliorer l’éclairage, sort sa caméra et, à partir de cette minute, filme tout ce qu’il peut jusqu’à 14h pétantes ! : l’enregistrement des guitares, la console de Nicolas, les sifflements de Pierre, l’arrivée des adolescents dans le studio, les discussions autour du bar, moi en train de coacher, les 7 élèves et Marion en train d’interpréter, il filme tout ou presque !
Pierre arrive en sueur, et on s’y colle : impeccablement, il empile une bonne dizaines de guitares, de basses témoins (qu’on rejouera aux synthés dans l’après-midi…), tout est clair dans sa tête, les parties, l’arrangement de chacune, il maîtrise parfaitement la session… Nicolas, lui, suit comme il peut, il n’a pas eu le temps de mémoriser la maquette succincte envoyée par Pierre 15 jours plus tôt. Donc il navigue à vue pendant 1h, et quand la porte d’entrée sonne (ce sont les élèves du collège E. Galois qui arrivent de Sevran en mini-bus !!), on a déjà sacrément avancé… Le titre ressemble déjà à quelque chose.
Je vais ouvrir… Surprise. OUI !!! Ils sont tous là !!! Même Jorham ! Cool. Je suis contente, Marion Muller (la coordinatrice) est rayonnante, bien habillée, maquillée, elle est heureuse d’être enfin là, heureuse que Jorham ait été au rendez-vous tôt ce matin, ça y est, on y est !, c’est l’aboutissement de 3 mois d’ateliers avec la classe-relais qu’elle coordonne avec un talent et une humanité inouïs. Ils sont tous venus, ils sont tous arrivés à l’heure ce matin au collège, en avance d’une demi-heure par rapport à l’horaire habituel, ils ont l’air bien, content, impatients d’en découdre avec l’expérience finale pour laquelle ils se préparent depuis le 6 janvier. Cathia (la surveillante) est venue, elle aussi. Marion nous avait dit qu’en cas de bagarre qui exploserait dans le studio, il valait mieux qu’elles soient deux… Bienvenue ! Je me sens concentrée, mais tranquille. Tout a été bien pensé. Tout va bien se passer…
Je leur fais visiter le studio, je leur présente Nicolas qui va les enregistrer, réaliser le titre, je leur présente Jérémy et Emmanuelle, les deux assistants du studio, je leur expliquer le déroulement de la matinée : Pierre va terminer d’enregistrer l’instru de 10h à 11h, comme prévu, et à 10h on attaque les voix. Qui commencera ? Tous me disent qu’ils veulent passer en dernier. Ça ne va pas être possible… Eslem s’était proposée la veille pour passer la première ! J’ai donc ma première artiste prête à rentrer sur le ring ! Après c’est plus confus….. Anissa, qui chante le refrain, enregistrera en dernier. On s’occupe des textes slamés d’abord.
Marion et Eslem assistent à l’enregistrement de la guitare de Pierre. Eslem semble très intéressée. Marion passionnée…. Marion n’en revient pas de la patience et de la concentration d’Islam… Elle qui s’agite sans cesse, qui parle non stop, qui prend une place de dingue constamment, là elle est immobile, silencieuse, attentive, curieuse. C’est super d’être là tous ensemble, on sent une belle énergie dans la control room, tout le monde est concentré, mais enthousiaste et compétent. Ça devrait rouler. Tous les autres, Cathia compris, sont du côté du bar, occupés à boire thé et café, à tripoter les portables et à snapchater ! Ils n’ont pas l’air intéressé par l’enregistrement de l’instru… Pas du tout ! Ils s’en foutent royalement ! Mais je peux comprendre…. C’est pour eux un moment exceptionnel de détente, dans un autre lieu que le collège, dans un lieu neutre où ils peuvent « faire » ce qu’ils veulent, mais entre eux ! C’est bien aussi… Du coup, on ne verra qu’Eslem sur la canapé en cuir noir de la control room, puis Anissa nous rejoindra vers la toute fin… Les autres font leur vie dans la partie « entrée/salon/bar » du studio. Cathia les gère. Marion peut rester avec nous ! Youpi.
10h : Pierre a fini. Pile ! Il a enregistré toutes ses guitares et même le sifflement de la mélodie du refrain… L’instrumental tient la route ! Je suis contente de savoir que ce sera confortable pour eux de parler par-dessus et que même, probablement, ça va les booster… La boucle hip hop, programmée par Emmanuelle (la stagiaire) et Pierre la veille, est mortelle. Ultra-dynamique, ça groove, c’est top.
Allez Eslem…. : en piste ! Ses yeux brillent, la cabine a été installée par Jérémy la veille au soir, les casques sont prêts, tout est nickel. Plus qu’à enfiler le casque sur ses oreilles et à comprendre à quoi servent les boutons sur l’appareil tout près d’elle… Nicolas vient lui expliquer comment régler le son de son casque. Petite panique d’Eslem : « Mais je vais pas savoir !! » – « J’ai fait ça déjà avec plus de 800 personnes, y a personne qui a pas compris », lui répond Nico. – « Oui mais chuis bête moi ! » – « J’te crois pas. »
Je prends ma place, à la gauche d’Eslem, j’enfile mon propre casque, et hop réglage du volume de la voix par rapport au play-back. Nicolas envoie la musique, demande un test de voix : Eslem dit le début de son texte. Elle est à fond. Direct. Elle est parfaite !! On enchaîne… 1ère prise, super. 2ème prise, encore mieux. 3ème prise, magnifique. L’affaire est dans le sac. Bravo Eslem, bravo bravo bravo.
Je prends ma place, à la gauche d’Eslem, j’enfile mon propre casque, et hop réglage du volume de la voix par rapport au play-back. Nicolas envoie la musique, demande un test de voix : Eslem dit le début de son texte. Elle est à fond. Direct. Elle est parfaite !! On enchaîne… 1ère prise, super. 2ème prise, encore mieux. 3ème prise, magnifique. L’affaire est dans le sac. Bravo Eslem, bravo bravo bravo.
Ils sont tous venus enregistrer leur partie, tour à tour, sans aucun problème de qui, de quand.. Moi, je n’ai pas mis le nez hors du studio A ! Je suis restée plantée à côté de chacun, pour les encourager, les accompagner, leur rappeler à quel point ils devaient/pouvaient se faire confiance et juste être eux-mêmes. Avec leur histoire, leurs mots, leur timbre de voix, leur énergie, leur débit habituel, rien de fabriqué, rien de « spécial », mais tout d’unique et de précieux. Il y a eu Oumar, puis Iliès, puis Antoine, puis Jorham… Puis Marion… Chacun a fait de son mieux, et son mieux était bien. Iliès m’a épaté. Son son de voix est tellement étrange, tellement particulier… et tellement touchant….
Quant à Jorham, il a un timbre dément ! Solide, grave, profond, tranquille… très impressionnant. Nicolas sait d’entrée qu’il faudra démarrer le morceau avec lui… C’est sa voix qu’on doit entendre en premier : c’est sa voix qui donnera aux gens envie d’écouter plus… Antoine a été un poil moins bon qu’en atelier, il a été moins drôle, moins « joueur », il a raconté son histoire avec moins de relief ; mais sa voix à lui aussi est tellement plein de sourire et de malice, que je suis tranquille… On a tout ce qu’il nous faut pour fabriquer un titre qui sera fidèle à ce qu’ils ont donné d’eux-mêmes pendant ces trois mois.
Reste à sélectionner le meilleur, monter les prises, créer des couplets qui se tiennent et une structure qui permette de ne pas s’ennuyer. Car 8 voix enchaînées, c’est pas rien et ça peut lasser !! Il va falloir avoir des idées en terme de réalisation. Mais le plus important est fait : la musique et les paroles sont dans la boîte ! Quand on termine les 7 voix parlées, il est 13h. Reste Anissa.
Bérangère et Pauline de ZEBROCK (association qui organise, conduit ce programme, en collaboration avec le Département de Seine-Saint-Denis) passent en coup de vent à l’heure du déjeuner pour apporter des bricoles à grignoter : chips, pruneaux, raisins secs, Bretzel, gâteaux secs, jus d’orange, bref ce qu’en musique on appelle le catering ! Marion pensait qu’elles apporteraient comme convenu pizzas ou paniers-repas. Petit changement au programme. Du coup, c’est Cathia et Eslem qui partent en expédition spéciale « pizzas-pour-tout-le-monde » !! Elles reviennent avec une petite dizaine de grosses pizzas, qui suscitent des mines réjouies… Anissa meurt de faim ! « Ah non Anissa, c’est à toi là ! Tu mangeras après… » – » Non non j’mange moi là ! J’ai trop faim… J’attends pas moi. J’mange d’la pizza. »
Anissa, repue, enregistre d’abord seule la mélodie. Elle double les sifflements de Pierre. Plusieurs prises sont nécessaires bien sûr, c’est difficile. Elle a vraiment un timbre charmant. Ensuite, on enregistre la même mélodie chantée tous les trois, Anissa, Pierre et moi. On ne sait pas ce qui sera utilisé au final, mais on accumule un peu de matière pour avoir tout sous la main, suivant l’arrangement qui sera décidé pour tel ou tel refrain…
Les voix sont terminées !!! Youpi ! C’est impeccable, il est 13h20.
Je prends enfin une pause au bar… Thé vert, bananes et pruneaux. Nico et Pierre, à qui j’avais apporté du saucisson et du chorizo des Cévennes, font d’une pierre deux coups : charcuterie-pizzas. Même pas peur ! Antoine aussi se régale… Il avait écrit dans un de ses textes qu’il aimait le saucisson, je me souviens très bien… Dont acte.
Un peu d’énervement commence à se faire sentir… la pression qui retombe, la joie d’être là, la fierté d’avoir accompli un truc, la sensation d’être un peu différent… Pierre et moi avons vu sur le visage de Jorham, quand il est sorti de la cabine d’enregistrement, le plus beau sourire qu’on ne lui ait jamais connu en 3 mois. Il était rayonnant !! Vraiment. Il était fier, humble, dynamique, tranquille, tout à la fois. Quelle récompense, rien que ça !!
Iliès a tiré sur la boucle d’oreille d’Anissa. Qui a eu mal. Qui s’est d’abord défendue avec des insultes. Que j’ai tentée de calmer. Et qui a fini par péter un câble, sortir de la control room en trombe (je ne l’ai pas venu venir) pour se jeter sur Iliès et le frapper de toutes ses forces en hurlant les pires insultes de la terre ! Bagarre donc. Courte mais violente. Vite maîtrisée par Marion et Cathia. « Non Alissa, ne gâche pas tout ! », disait Marion qui venait de les féliciter mille fois. Je sais que ça arrive assez souvent en classe-relais, mais ça ne s’est jamais passé pendant nos temps d’ateliers. Donc c’est une première ! Ça fait tout drôle ! Ça part d’un coup et on ne comprend rien… Nicolas a vite garé ses micros, les autres ados rigolaient à moitié, rien de grave mais forcément ça a jeté un froid ! On avait presque fini. pourtant. Presque !!!
Je voulais juste qu’on chante la mélodie tous ensemble pour terminer. Avoir une prise de voix avec tout le groupe. Comme on avait fait la veille pour clôturer les ateliers… C’était bien et j’avais envie d’enregistrer ça parce que ça symbolisait l’énergie de groupe soudé, forte, qui s’était mise en place petit à petit et qui avait permis d’avancer dans les meilleures conditions possible… Si on avait pu faire entendre dans la chanson cette dimension-là si importante, ç’aurait été magnifique. Alors j’ai insisté… Evidemment, l’énergie de groupe en avait pris un coup, mais Marion a emmené Alissa se calmer dehors et Nicolas a mis en place 10 casques en arc de cercle, avec un gros micro au milieu du studio pour qu’on puisse tous chanter autour… Ça sentait quand même l’agitation ! Il était 13h40 et il restait 15 mn chrono. Alors c’était pas terrible, Elsem en avait marre, je ne sais qui était fatigué, voulait s’asseoir, Antoine tentait de me rassurer en me disant « Vous inquiétez pas Madame, ça va bien se passer », alors que je tentais de les amadouer pour qu’ils tiennent encore 5 mn ! dans le calme… On l’a fait tant bien que mal (plutôt mal) et Anissa est même revenue dans le groupe vers la fin… Ce qui était déjà un très bel effort… Petite victoire après la tempête.
Clap de fin. Il est 13h50, le bus arrive dans 10 mn et Eric veut faire quelques images dehors, dans la jolie allée du studio… Il voudrait qu’on marche tous vers lui… Puis qu’on fasse mine de rentrer dans le studio.. Sûrement pour son générique ! Mais non. Personne n’a envie. Ils ne veulent plus faire ce qu’on leur demande. Seul Antoine et Bilal sont à la rigueur partants. Pour les autres, c’est non ! Donc tant pis, on fera juste quelques plans de groupe debout devant le mur taggé. Et ça ira très bien. 4h de concentration et de calme, c’était déjà beaucoup demander et ils ont relevé le défi haut la main !!!
BRAVO MILLE FOIS BRAVO, cette journée m’a rendue heureuse et a ému a peu près tout le monde dans le studio… le vidéaste, les deux assistants, Jérémy et Emmanuelle, nous ont dit combien ils avaient trouvé la séance impressionnante d’intensité… Emmanuelle n’a pas pu rester dans la control room pendant certaines prises, car l’émotion était trop forte.
Mon rôle pendant l’enregistrement m’a empêché de me positionner en tant qu’auditrice, ou spectatrice, j’étais constamment avec eux, dans le mouvement, dans le son, et donc je n’ai pas perçu cela aussi fort. Mais j’ai eu des moments de joie profonde… Parce qu’ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes, tous, et il n’y a décidément rien de plus puissant ni de plus beau.
La suite ? Programme pour Nicolas, Pierre et moi : enregistrement des basses au synthé, conception de la structure du morceau, écoute des 3 ou 4 prises de chacune des 8 voix, essais de montages, choix des prises, difficulté pour trouver un rythme qui fonctionne, pour retrouver l’émotion présente à l’enregistrement, tout ça va ensemble… Puis il faut raccourcir le morceau de moitié car si on met tout, il fera au moins 10 minutes ! Or on voulait faire une chanson, pas un documentaire… Donc il faut prendre des options. On n’est pas toujours d’accord. Il faut discuter intelligemment. Ne pas perdre de temps. Et trouver des solutions rapides. Résultat, après une pause de 10 mn saucisson/formage/baguette/Bordeaux – bien méritée, on s’y recolle jusqu’à 22h.
A 22h, on décide d’arrêter et de terminer mardi 28, dans 4 jours, en une matinée. Ça va être sportif, mais il faut qu’on y arrive. Et que ce soit bien. Idéalement il nous aurait fallu une journée entière supplémentaire pour travailler dans le détail, faire un vrai mix et aboutir la prod. Là, on veut juste trouver le bon montage, terminer l’arrangement de l’instru et mixer à peu près l’ensemble… Ce sera déjà fabuleux !!!
Le mardi 28, c’est exactement ça qui s’est passé… On a fait au mieux. Paré au plus pressé. On s’en est plutôt bien tiré… Mais forcément, forcément !, je suis un peu frustrée. Pierre aussi. On aurait voulu peaufiner l’arrangement, réécouter quelques prises de voix pour être sûr, créer un ad lib chouette, etc. etc. Là non. On a tracé, pas fait dans le détail, et tâché d’avoir une chanson entière à leur faire écouter le vendredi suivant, jour prévu pour la restitution ! Je n’ai qu’une idée en tête : qu’ils soient fiers d’eux.
Reste à trouve le titre. Nicolas jette un œil aux textes… Il propose « Prendre ma place ». Oui tout de suite. J’aime. Non seulement c’est exactement ce dont il s’agit pour eux, et ce qu’ils ont fait avec nous pendant trois moi, mais c’est en plus, et par le hasard du montage, la dernière phrase de la chanson, magnifiquement dite par Eslem…
Alors oui ça s’appellera « PRENDE MA PLACE ». La chanson est donc née à Montreuil le mardi 28 février à 14h. Elle mesure 5!23, dis donc. Pas mal. C’est pas trop trop long… Mission accomplie ! Défi relevé ! Reste la dernière étape : le goûter de vendredi avec remise du CD par Pierre et moi, et visionnage du clip réalisé par Eric ! Zebrock sera là, avec une équipe de tournage…
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