Mon Roi de Maïwenn
0
Un quatrième long métrage et toujours les mêmes divisions. Il y a quatre ans, Polissemarquait une polarisation de la critique autour du cinéma de Maïwenn. Eloges inconditionnels de cet art du réel contre détestation viscérale de lamentations nombrilistes. La cinéaste n’a pas l’air de s’en soucier : Mon roi travaille un motif très proche de ses autres films. Tragique, humour et mélancolie se mélangent pour composer un portrait psychologique à l’admirable finesse.
Une boîte de nuit, un homme et une femme. Elle le drague un peu, c’est à lui de faire le reste. L’affaire est vite réglée. Elle s’investit totalement dans la relation, contrairement à lui. Ça ne va pas fonctionner.
Ce n’est pas l’histoire la plus originale du monde, mais c’est un film de Maïwenn, c’est à dire un concentré de vie. Une succession d’instants directement sortis du réel. Rarement le cinéma ressemble autant à « une fenêtre ouverte sur le monde » que dans les œuvres de Maïwenn.
Ce n’est pas l’histoire la plus originale du monde, mais c’est un film de Maïwenn, c’est à dire un concentré de vie. Une succession d’instants directement sortis du réel. Rarement le cinéma ressemble autant à « une fenêtre ouverte sur le monde » que dans les œuvres de Maïwenn.
On peut y voir les travers d’un certain cinéma contemporain. On peut considérer que le septième art ne doit pas imiter la vie mais la recréer. Les procès en voyeurisme et en narcissisme intentés à la réalisatrice viennent en partie de là. Mais si Maïwenn devait consacrer sa carrière à raconter sa vie en offrant toujours de tels moments de grâce et d’émotion, on ne s’en porterait pas plus mal.
Outre la vie, c’est l’émotion qui jaillit des films de Maïwenn. Dans Mon roi plus encore que dans les autres, elle jaillit des acteurs. Les prestations d’Emmanuelle Bercot et de Vincent Cassel sont éblouissantes. La première n’a pas volé son prix cannois (« Interprétation féminine »). Elle incarne Tony, une avocate dont la vie professionnelle est plus accomplie que la vie sentimentale, jusqu’à la rencontre de Georgio (Vincent Cassel).
Alors elle s’abandonne, elle donne, ne cache rien. Tout se lit dans ses regards, ses sourires, le moindre de ses mouvements. Ses rires et ses larmes proviennent de ses entrailles. Il fallait une actrice extraordinaire pour mimer le bonheur, les doutes et le désarroi d’une femme ingénue comme ça.
Alors elle s’abandonne, elle donne, ne cache rien. Tout se lit dans ses regards, ses sourires, le moindre de ses mouvements. Ses rires et ses larmes proviennent de ses entrailles. Il fallait une actrice extraordinaire pour mimer le bonheur, les doutes et le désarroi d’une femme ingénue comme ça.
Il ne fallait pas le dernier venu non plus pour incarner le mari, le roi. Pas le roi des cons, celui des manipulateurs. Georgio est un acteur, toujours en représentation. Sa vie c’est le jeu, la dissimulation, le mensonge. Un dandy riche, cultivé, drôle et charmeur. D’abord la meilleure chose qui soit arrivée à Tony, puis la pire. Un peu malgré lui. Ce n’est pas tout à fait volontairement qu’il devient son bourreau. Simplement, il ne parvient pas à s’accommoder des sacrifices qu’exige la vie à deux. Complexe et fascinant, ce personnage est une sacrée trouvaille.
Tony se pose moins de questions, elle a moins d’exigence. Si les deux individus sont séparés par une appartenance sociale légèrement différente, le film ne se résume pas à la confrontation de deux univers (comme dans La Vie d’Adèle). Il s’agit plutôt ici d’une rencontre entre deux personnalités.
Mon roi consacre toute son énergie à détailler la relation entre les deux personnages. Et l’adoption du point de vue de l’héroïne a l’habileté d’inclure son inconscient. Parce que Georgio ne quitte jamais complètement l’esprit de Tony ; même invisible il est présent. Il est rare qu’un personnage vampirise à ce point un film ; qu’un acteur contamine à ce point chacun des plans. Aussi le film pénètre-t-il une dimension supérieure au sitcom à l’eau de rose. Il y a un monde entre exposer des sentiments bon marché et embarquer le spectateur dans une aventure qui lui fera éprouver intensément chaque accident du récit.
A en croire certaines critiques, Maïwenn ne serait pas un bon metteur en scène. On se demande alors comment elle réussit à impulser autant de vie dans ses films. Sa mise en scène exclut le tapage et choisit la pudeur. Au service des acteurs, elle est entièrement consacrée à la production d’émotion.
Cela produit un « hyperréalisme » hypnotique, scotchant, mais cela ne se fait pas au détriment de l’art. Maïwenn n’est pas guidée uniquement par l’obsession d’une « efficacité » superficielle. Ses plans sont bourrés de sens. Il suffit de s’attarder sur les champs-contrechamps qui mettent en scène les échanges entre Tony et Georgio : ils permettent toujours de mieux comprendre ce qui se joue entre les deux personnages.
Pour d’autres pourfendeurs de ce cinéma du réel, Maïwenn n’aurait pas de style. Pourquoi alors ses films sont-ils si facilement identifiables ? Il y a évidemment un « style Maïwenn », et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle divise autant. On a bien sûr le droit de ne pas aimer, mais ses films ne ressemblent à aucun autre. On la remercie d’insuffler une note singulière, âpre, divergente dans le cinéma d’aujourd’hui.
Mon Roi, un film de Maïwenn, sur un scénario de Etienne Comar et Maïwenn, photographie de Claire Mathon, musique de Stephen Warbeck,avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Isild Le Besco et Louis Garrel. Drame et Romance. France. 2014. Durée : 2H04. Distribué par StudioCanal. Crédit photographique : Studiocanal.