Sur les hauteurs de Giverny, où il habite depuis des années avec sa compagne, le poète qui a traversé les époques avec ses cheveux longs et son blouson noir revient volontiers sur une nouvelle partie de sa vie. Toujours avec ses mots et cette finesse qui le caractérisent, Leny Escudero publie le second tome de son autobiographie.
Sa longue et riche vie prend aujourd’hui les couleurs de l’automne. À 82 ans, celui qui a notamment chanté Pour une amourette et tant d’autres succès des années 1960 à 1990 coule des jours heureux dans le village des impressionnistes, niché au cœur de la forêt avec Céleste, son amoureuse depuis vingt-sept ans, qu’il a épousée en juillet 2013.
« J’AI ÉTÉ UN MIGRANT »
Son parcours sur cette Terre, Leny Escudero l’avait déjà raconté dans un premier volume intitulé Ma vie n’a pas commencé (2013, Le Cherche-midi). Ouvrage qui couvrait les années allant de son arrivée à Paris jusqu’à l’extinction des feux de la rampe. Avec Le début... La suite... La fin, l’éternel jeune homme retrace les années écoulées depuis sa naissance à son arrivée à Paris. Il avait 19 ans.
Pourquoi avez-vous éprouvé le besoin d’écrire deux livres de vos souvenirs ?
n « Il s’agit d’une commande. J’avais l’intention d’écrire un roman policier et j’étais allé soumettre mon projet aux éditions du Cherche-midi. On m’a proposé de le publier à condition que j’écrive mes souvenirs. J’ai finalement décidé d’éditer à compte d’auteur. »
Vous racontez dans le détail votre fuite de l’Espagne sous Franco, puis, arrivé en France, une nouvelle fois la fuite pour échapper aux Allemands. Votre mémoire est exceptionnelle !
n « Les événements me sont revenus, intacts, même si j’ai parfois dû creuser dans ma mémoire pour restituer les précisions. Peut-être qu’inconsciemment, je savais que je serais mon principal témoin des années plus tard. »
Dans votre livre, vous apparaissez très tôt comme révolté par l’injustice. Si vous deviez choisir un événement qui a nourri ce sentiment, lequel serait-ce ?
n « Quand mon p’tit père [républicain espagnol qui sera plus tard déporté à Argelès, Ndlr] devait descendre du trottoir, en France, et s’effacer pour laisser passer un jeune morveux. Il lui a fallu beaucoup plus de courage qu’à moi. Ce n’était pas parce que nous étions Espagnols mais parce que nous étions pauvres qu’on nous rejetait. »
Parmi les événements tragiques que vous avez vécus, deux soldats franquistes ont fait irruption chez vous lorsque vous aviez 4 ans. Votre mère s’est emparé d’un fusil. Vous l’avez vue tuer les deux hommes à coups de chevrotine. Vous n’avez pas pleuré, n’avez jamais manifesté votre peur...
n « À 4 ans, on est déjà adulte quand on vit de tels événements. La peur vient après. Il faut d’abord survivre. Il m’arrive de pleurer mais c’est de rage. »
Enfant, vous voliez des livres et vous les dévoriez. D’où vous est venue cette soif de lecture ?
n « J’avais envie de découvrir le monde. Chez Céline, j’ai lu quelqu’un chez qui ça hurlait à l’intérieur, comme moi. Mais lui, il avait les mots pour le dire. »
Aujourd’hui, écririez-vous des chansons sur les migrants ?
n « J’ai été l’un d’eux. Il y a des années, j’ai écrit un texte, Le siècle des réfugiés : « Ils sont toujours les bras ballants. D’un pied sur l’autre mal à l’aise. Le cul posé entre deux chaises. Tout étonné d’être vivant »...
Et Leny Escudero de citer son texte intégralement. Toujours cette mémoire sans faille...
INFOS PRATIQUES
« Le début... La suite... La fin », second volet de l’autobiographie de Leny Escudero, ouvrage publié à compte d’auteur, est disponible à l’adresse suivante : Leny Escudero, BP 30, 27620 Gasny. Tarif : 25,70 € (+ 4,30 € de frais de port). Le poète chanteur et écrivain se fera un plaisir de le dédicacer.
Entre chansons, cinéma et liberté
D’abord réfugié en Mayenne en 1939, Leny Escudero est ensuite devenu un jeune homme de Belleville, début d’un parcours de vie étonnant.
Carreleur à son compte, cet Espagnol d’origine gitane et basque a connu un succès fulgurant en 1957 avec la chanson Pour une amourette, ritournelle saccadée riche en violons au cours de laquelle il perd la tête, et Ballade à Sylvie, dans laquelle le chanteur émacié, coupe de cheveux sage et regard triste, perd son âme.
À l’image d’un Béart, d’un Ferré ou encore d’un Brassens, Leny Escudero incarne une soif de liberté et de rébellion portée par des textes ciselés que l’on appelle chanson française.
Ce besoin de pousser les frontières, Leny Escudero ne s’est pas contenté de l’interpréter. En pleine gloire, il a posé le micro pour faire un tour du monde.
Reconnu par ses pairs, cet Eurois de cœur a reçu le prestigieux Grand prix de l’Académie Charles-Cros en 1971.
L’artiste, auteur de quatre ouvrages, a également fait plusieurs apparitions au cinéma et sur le petit écran, son dernier grand plateau étant un « Vivement dimanche », en 2011, chez Michel Drucker.
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