De Figaro Santé - Comment apprivoiser le (très) grand âge?
Marie-Françoise Fuchs: «Il s'agit de donner du sens et de l'utilité à cet allongement de vie qui va concerner de plus en plus d'entre nous.»
Mots clés : vieillissement
Par Pascale Senk - le 06/10/2015
Après 80 ans, les seniors d'aujourd'hui sont des pionniers : ils ont à donner du sens à une tranche de vie qui n'existait pas.
«L'un de nos grands problèmes, ce sont les chaussures!», confie dans un rire Marie-Françoise Fuchs. «Franchement, celles qui sont conçues pour les femmes âgées sont moches, non? Alors les vraies questions qui se posent à nous, c'est: comment allier sécurité et maintien d'une belle image de soi? Comment éviter la chute malgré des escarpins vraiment mode?» Le quotidien des «plus vieux d'entre les vieux», cette femme plus qu'octogénaire le connaît bien. Fondatrice de l'association Old'Up (dont la baseline est: «Plus si jeunes mais pas si vieux») qui, depuis huit ans, invite ses membres à «s'approprier leur vieillissement et à l'utiliser», elle n'a aucun mal à employer ce terme qui fâche, tout en ne déniant pas l'affaiblissement général auquel il contraint. Bien au contraire, elle invite à le regarder de pleine face pour en faire quelque chose. «Après 75 ans, c'est un “deuxième temps” de la retraite», explique-t-elle. «Le plus souvent, les conditions physiques ne permettent plus de s'investir comme avant auprès des petits-enfants, on change évidemment de rythme. C'est le moment où l'on se demande: y a-t-il une vie après celle de grand-parent?» «Vieillissement durable»Car si l'investissement familial diminue, les octogénaires peuvent toutefois aller à la rencontre de ce continent qui s'ouvre devant eux: un «vieillissement durable». «Beaucoup d'amis, de connaissances que l'on avait, sont partis», constate Marie-Françoise Fuchs. «Il faut donc se créer de nouveaux réseaux, trouver de quoi être encore acteur dans la société, servir… Il s'agit de donner du sens et de l'utilité à cet allongement de vie qui va concerner de plus en plus d'entre nous.»«Comment l'esprit vient aux vieux» est d'ailleurs le thème du colloque* à venir conçu par ces «apprentis centenaires» bien décidés à se libérer des images normatives attachées à la vieillesse, qui «est toujours une construction sociale et reste en réalité à réinventer», comme le rappelle Frédérique Savona, ingénieure sociale qui s'est immergée pendant trois ans dans l'association, assistant aux ateliers de réflexion qui s'y tiennent - «oser vieillir», «le sens de ma vie» ou «nous et les autres» - et réalisant des dizaines d'entretiens avec les 300 membres de l'association. «Continuer à exister malgré mais aussi “avec” leurs fragilités»À ses yeux, un nouveau monde est en train de naître et l'association Old'Up est l'un des fers de lance de cette révolution. « Actuellement, pour parler de vieux, la société oscille entre des images de bien vieillir à tout prix qui signifie surtout “rester jeune” et des images de dépendance, de dégénérescence cérébrale, etc., observe-t-elle. Or, il y a un nouveau pays à explorer, ce “continent gris” où des individus encore autonomes veulent continuer à exister malgré mais aussi “avec” leurs fragilités.»C'est là l'une des grandes fiertés de Marie-Françoise Fuchs: avoir fait des membres de l'association des «experts de l'âge» régulièrement consultés par la SNCF pour jauger le confort des TGV, ou devenant des représentants d'usagers dans les établissements sanitaires, ou lors de recherches sur les nouvelles technologies et les seniors… «Notre fragilité est très utilisable dans ce type d'aménagements, se réjouit-elle. Et j'aimerais ainsi montrer à la société qu'on peut se servir de l'expérience des plus âgés pour construire l'avenir.» Elle évoque avec amusement en ce sens combien sa (relative) passivité a fait dire à ses enfants: «Ah, tu es plus disponible qu'avant! C'est bien, maintenant, on peut se parler!» Faire différemment, et pourquoi pas? Mieux avec ses failles, c'est là tout son credo. «Des représentations dominantes et obsolètes»Qu'on puisse se contenter de «distraire» les personnes âgées à coup d'après-midi ludiques ou de concours de bridge dans les maisons de retraite désole cette militante de l'apprentissage à vie: «Pourquoi ne pas leur proposer des cours plutôt?» Il y a d'ailleurs une dimension d'apprentissage dans ces groupes de l'association où le collectif restaure l'identité de chacun. Frédérique Savona considère «y avoir mesuré combien c'est une première étape nécessaire que de se demander “comment être soi”, hors des représentations dominantes et obsolètes, ainsi que l'on apprend dans les groupes Old'Up. Libre ensuite à chacun d'investir d'autres terrains.»De son immersion chez les octogénaires, la jeune chercheuse a ramené aussi un changement très personnel: «Je ne regarde plus l'âge d'une personne que je rencontre, et je ne pense plus “vieille” si elle a des cheveux blancs ou un corps fatigué, affirme-t-elle. Peut-être parce que je sais qu'elle a été comme moi… Et parce qu'un jour je serai comme elle.» |
mercredi 7 octobre 2015
Le Grand Age
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