Rencontre avec Thich Nhat Hanh
Patrice van Eersel : Jadis, la guerre a rendu votre pratique de la compassion plus profonde. Pourrons-nous un jour nous passer de la guerre et devenir compatissants malgré tout ?
Thich Nhat Hanh : La nature de la guerre est surtout de nous transformer en ennemis ! Des gens qui ne se sont jamais rencontrés s’entretuent, créant d’immenses souffrances. Je n’accepte pas le concept de « guerre pour la paix », ni de « guerre juste », tout comme je ne peux accepter les concepts d’« esclavage juste », de « haine juste » ou de « racisme juste ». Au cours des guerres successives au Viêtnam, mes amis et moi nous sommes toujours déclarés neutres. Nous n’avions pas d’ennemis et ne prenions parti pour personne. J’aspire au plus profond de mon cœur à faire en sorte qu’il n’y ait plus jamais de guerre.
Patrice van Eersel : La pratique de la méditation, qui se répand dans le monde, y contribuera-t-elle ?
Thich Nhat Hanh : Quand nous militons pour une cause, nous avons un profond désir de sauver le monde. Mais si nous ne maintenons pas un équilibre entre notre vie ordinaire et notre ressourcement, entre le travail, les relations affectives et la méditation, nous n’arriverons pas à grand-chose. Quand nous sommes en contact profond avec l’instant présent, nous contactons aussi le passé et l’avenir. Et si nous savons nous occuper de l’instant présent correctement, nous pouvons guérir le passé et préparer l’avenir. Contraint de m’exiler, j’ai appris que ma maison, mon pays, c’était la planète entière. Je ne limite pas mon amour à un lopin de terre en Asie, au Viêtnam. J’ai connu de nombreuses guérisons grâce à cette vision profonde. Votre amour doit embrasser toute la Terre.
Patrice van Eersel : Aujourd’hui, les déséquilibres écologiques provoqués par nos activités menacent notre existence. Que faire ?
Thich Nhat Hanh : Au supermarché, nous devons apprendre à consommer de telle sorte que la compassion reste toujours présente dans notre cœur. Certains produits sont très toxiques, d’autres ont été fabriqués par des enfants qui n’ont pas la chance d’aller à l’école. En pratiquant la consommation en pleine conscience, nous pouvons nous guérir, guérir notre société et guérir la Terre. Et puis, chaque village, chaque quartier ou communauté devrait avoir un petit parc, un lieu calme, tranquille et beau, où les familles pourraient venir s’asseoir ensemble pour s’offrir mutuellement paix et tranquillité. Dans ce parc, vous pourriez planter des arbres que vous auriez envie d’admirer et de soigner. Vous pourriez créer un joli chemin de méditation marchée, avec des endroits où les gens pourraient s’asseoir et rester là, sans avoir à parler ni à faire quoi que ce soit. Si vous savez faire ça, alors il y aura du bonheur entre vous.
source : Nouvelles Clés
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