mardi 22 décembre 2015

De la vertu des Huitres

JE HAIS LES DIMANCHES (89) par H.Bellec



De la vertu des huîtres


Tous les dimanches matin et par tous temps, il y a un ostréiculteur venu du Golfe du Morbihan qui installe son petit stand face à la boulangerie de la rue de la Tour d'Auvergne, non loin d'où je demeure. J'ignore pourquoi il fait tout ce chemin pour venir vendre ses huîtres jusqu'ici et je ne sais pas si je lui poserai un jour la question, toujours est-il que depuis je me suis installé en ménage, j'essaie de lui en acheter assez régulièrement. Outre que c'est un aliment d'une saveur exquise et un rien sensuelle, avouons-le, chacun sait que l'huître est une source de bienfaits pour la santé. Riche en iode, bien sûr, mais aussi en sélénium, fer, cuivre, magnésium, calcium, etc, c'est une véritable pharmacie dans votre assiette. En outre, ce coquillage recèle une quantité non négligeable de zinc, zinc qui stimule chez le sujet masculin la production de testostérones, testostérones qui servent à vous savez quoi.





C'est une évidence, un postulat devrais-je dire, les huîtres se dégustent à deux. Je sais de quoi je parle. J'ai vécu de longues années en loup solitaire, ce qui est plus sexy que de dire en vieux garçon mais qui revient à peu près au même. Certes, il y avait d'indéniables avantages, je pouvais à ma guise péter au lit et regarder le Tour de France à la télé sans avoir à subir des regards affligés. Je mangeais à peu près tout ce que je désirais mais par un étrange processus de culpabilisation, je ne m'autorisais jamais les huîtres. Un sorte de sentiment de honte toute judéo-chrétienne m'interdisait d'aller chez le poissonnier pour une misérable demi-douzaine. Les huîtres, ça se partage, voilà tout. Seul, c'est péché. Quand mon tour venait, je commandais un filet de cabillaud, pas trop gros, s'il vous plait, et je ravalais ma solitude à travers un sourire bêtement mélancolique adressé à la poissonnière en même temps qu'un billet de 10 €. Une amie mienne m'avait un jour confié qu'elle avait en horreur les hommes qui s'achetaient des demi-baguettes. C'était rédhibitoire, disait-elle. Comprenne qui pourra mais en ce qui me concerne, j'avais parfaitement compris. Et la moitié du pain finissait aux oiseaux.






Chez moi, les choses ont changé depuis bientôt un an. Il a fallu rajouter des étagères dans la salle de bains et je ne pète plus au lit, du moins quand elle y est, mais comme elle y est toutes les nuits, ce n'est pas toujours facile à gérer. À l'heure où retentissent les cloches appelant à l'office dominical, je suis parti ce matin acheter une baguette de pain et une bouteille de bourgogne aligoté. Voyez-vous, en cette période de fêtes, j'aurais pu lui offrir des fleurs, du parfum, l'intégrale d'Étienne Daho ou même, plein aux as comme je suis, un torrent de diamants dégoulinant sur son décolleté, mais je me suis contenté de poser sur ses lèvres un baiser et sur la table une platée toute fraîche d'huîtres du Golfe du Morbihan ainsi qu'un verre de vin blanc en lui conseillant de se laisser emporter par l'océan. Je vous souhaite à toutes et à tous de passer d'heureuses fêtes de Noël autour de ceux que vous aimez. Pour votre fidélité, dimanche après dimanche, merci infiniment.

© Hervé Bellec, 20 décembre 2015

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