jeudi 30 avril 2020

Votre divine mission


AIMER : Notre vrai travail !


"Aimer quelqu'un, c'est le lire. C'est savoir lire toutes les phrases qui sont dans le cœur de l'autre, et en lisant le délivrer. C'est déplier son cœur comme un parchemin et le lire à haute voix, comme si chacun était à lui-même un livre écrit dans une langue étrangère. Il y a plus de texte écrit sur un visage que dans un volume de la Pléiade et, quand je regarde un visage, j'essaie de tout lire, même les notes en bas de page."
Christian Bobin, La lumière du monde.
<<<<<merci Christian.

Crépuscule sur le lac


Une photo de Catherine P. Vue de chez eux .hier au soir  

Hier soir, the view


Mortel en rade


Interview d'E Devos

Emmanuelle Devos : «Je suis en train de virer drastiquement anti-consumériste»
LIBERATION
Par Anne Diatkine — 30 avril 2020 à 06:01
Emmanuelle Devos, en 2017. Emmanuelle Devos, en 2017. Photo Lionel Bonaventure. AFP

Comment appréhende-t-on le passage au déconfinement ? Qu'a-ton rencontré «pendant» que l'on tient à conserver «après» ? «Libération» a posé la question à...
Emmanuelle Devos, actrice :
«J’ai découvert que j’étais faite pour le confinement. Et que donc, probablement, je ne me déconfinerai pas ou le moins possible. En dehors de ma famille et de quelques amis, j’ai besoin de voir peu de gens. J’habite après le Périph et, avec la réclusion obligatoire, je m’aperçois combien je suis contente de ne plus aller à Paris. Attention, ce qui se passe pour la culture est une catastrophe et on n’a pas fini d’en voir les ravages. 
On n’a aucune vision de rien. 
Je dois tourner un film cet été, on est tous dans le même bain, on ignore quand les tournages vont pouvoir reprendre, si les assurances vont accepter d’assurer. 
Je suis une actrice chanceuse, j'ai des beaux projets. 
Mais qui peuvent tout-à-fait rester éternellement en suspens. Au début du confinement, le massacre dans le champ culturel m’a énormément angoissée. Donc on allait vivre sans ? 
Sans perspective, sans nouveaux films, sans nouvelles pièces et ce, pendant très longtemps ? Une privation qui concerne aussi bien la spectatrice que je suis, que l’actrice. Les acteurs ont l’habitude de cette insécurité professionnelle. Quand on nous parle d’un film, on sait qu’il se tournera, s’il se tourne, trois ans plus tard. J’ai toujours vécu avec l’idée que, dans six mois, je ne travaillerai plus, qu’il faudra que j’invente autre chose. 
«C’est la période idéale pour lire, plus aucun garant moral ne nous interdit de nous allonger avec un gros bouquin l’après-midi, quand la concentration est meilleure que le soir. Je me suis attaquée à un gros morceau, Ulysse de Joyce en lisant en parallèle les Cours de littérature de Nabokov. C’est Arnaud Desplechin qui m’a donné ce tuyau en me disant : «Tu lis un chapitre et puis tu lis ce qu’en dit Nabokov. Tu fais exactement ce qu’il te dit.» Cela dit, même avec la béquille Nabokov, ça reste dur. J’ai lu Anna Karénine aussi, il était temps ! 

Je regarde presque un western par jour. J’adore les westerns, ce genre-roi qui contient tous les autres, la comédie, la tragédie et l’espace. 

On dépense moins, je continuerai à moins dépenser après le confinement, ça apaise. Je suis en train de virer drastiquement anti-consumériste. Certes, je suis privilégiée, j’ai déjà l’essentiel : un logement, de quoi m’acheter de la nourriture, et mes placards contiennent de quoi m’habiller jusqu’au restant de mes jours. J’avais développé des prémisses de cette tendance "no conso" auparavant, mais je ne les aurais peut-être pas développées à ce point : quand je me suis fait voler ma Smart pourtant bien pratique pour aller dans Paris, j’ai haussé les épaules et je me suis mise à marcher. 

En ce moment, on est moins vus, ce qui est également agréable. Dorénavant, et de manière encore plus consciente qu’avant, je volerai directement de chez moi aux plateaux de théâtre et tournage, sans passer par la case rencontres, mondanités et autres dîners stratégiques.»

Deux Emmanuelle


Emmanuelle Devos 
Emmanuelle Bercot 

Merci à Claude B. pour la photo .
Et pour l'interview qui suit. 

mardi 28 avril 2020

Mon père eut eu 102 ans


Le voici i y a juste deux ans avec sa petite nièce Marilyne lors de la fête de son centenaire . 

Surprise et joie

Ce soir, que me soient livrés 2 maquereaux et deux ailes de raie 
Pat, le pêcheur a encore pêché ! 
Je vais me régaler . 




Merci Pat ! Merci Bernard, qui les a déposés ! 

La promenade du jour





Chaque matin, Bernard P. mon voisin et ami vient me chercher pour me faire marcher avec mes deux béquilles ! 
Çà lui permet, dit-il, de se mettre au "service des Anciens" ! 
Et j'en ai bien besoin car, après cette prothèse du genou, maintenant il faut que je m'exerce en douceur et en profondeur... 
Nous marchons, selon mon courage ou mes douleurs résiduelles, devant la maison  sur la plage à marée basse (1 kilomètre 500 )ou sur la route qui s'enfonce dans les tourbières, jusqu'à une barrière (2 kilomètres 200 )... 
Ou, comme ce matin, nous allons en voiture  ( 2 kms autorisés ) nous garer  sur la route, dite "des  Guinness", et poursuivons à pied entre ânes et moutons jusqu'à la  maison du brasseur, the Guinness House  ( une maison qui d'ailleurs se loue )  sise au bout de cette route autrement sans issue . 



Mika le jeune chien nous précède et s'en donne à coeur joie . Bernard et moi bavardons et rêvons . 
Un bonheur ce matin sous un ciel qui a fini par devenir entièrement bleu. 
Cette plage atteinte le but l'est aussi  et nous rebroussons chemin tout près d'un vieux cimetière aux croix celtes sans croiser mort ou vif ! 



Looking West


Comment n'être pas se sentir humble et reconnaissant devant tant de beauté 

Une photo de John O' Reilly taken from Dolan Rock hier soir . 

Un monde meilleur

We can all vow to make the world a better place one day at a time by being our true authentic selves.



On peut tous faire le voeu de rendre le monde  un endroit qui soit meilleur jour après jour en étant nous - même le plus authentique possible 

La dose


An unorthodox doctor, who always thought beyond prescriptions, pills and medication, once said to one of his regular patients:  “I’m starting to suspect that the best medicine for humans is love.”
Un médecin peu orthodoxe qui cherchait toujours au-delà des ordonnances , des pilules et des médicaments dit à l'un de ses patients habituels : " je commence à suspecter que le meilleur médicament pour les humains c'est l'amour " 

The patient, surprised, shocked even, said: “What if love doesn’t work?”
Le patient, surpris, choqué même, dit "Et quoi , si l'Amour ne marche pas ? " 

The doctor smiled and said, “Increase the dose.”
Le docteur en souriant dit " Vous augmenterez la dose ."

lundi 27 avril 2020

De mon lit à l'instant




Bonne nuit les Petits !

Etre aimé , même une seule fois

Quelqu’un m’a aimé, par cet amour j’ai été sauvé de ma vie et du monde. Il m’a semblé que c’était cette lumière que je cherchais étant enfant. Tout d’un coup quelqu’un rassemble toutes ces lumières et me les donne. C’est comme si je posais ma main sur le cœur nu de la vie.
Je suis prêt à ce que tous mes livres disparaissent et même le prochain, sauf cette phrase : la certitude d’avoir été un jour, ne serait-ce qu’une fois, aimé, et c’est l’envol définitif du cœur dans la lumière.
Christian BOBIN - La lumière du monde
Création : Danielle Vary
Publié par Maela 

L’image contient peut-être : plein air

Moi aussi une fois , peut être deux , j'ai été aimée , en vrai ,
 j'ai senti, pour de bon,  cet envol  du coeur vers la lumière 
Comme si l'Ame, finalement  l'avait eu au tournant .


Lundi, j'attaque les valises


Valise N° 1 

J'ai mis à raison de 6 à 8 heures par jour 10 jours à trier les deux premiers gros sacs . Il m'a donc fallu une trentaine d'heures par sac.  
J'attaque ce lundi la première des trois valises : je fais un premier tri, je fais des piles... lettres des enfants, lettres des parents, lettres des étudiants  de la sagesse immémoriale, lettres des amis, jolies cartes, poèmes, dessins  etc.... Je garde à peu près 10% des documents pour une dizaine d'années encore . Je renvoie aux expéditeurs certaines lettres  que je trouve signifiantes. Je garde pour les petits enfants des archives qui aussi bien ne les intéresseront jamais . 
Dans mes propres écrits je me retrouve telle que je me saisL 
Ensuite je rangerai ces piles par dates, peut être, par personne, sûrement . 
De quoi m'occuper tout mai c'est certain ! 

En juin ce sera le tour des tiroirs, des placards, des outils... Des bibelots, de la vaisselle, des verres, des habits ... 



Il fait si beau, si calme , si tendre ici aujourd'hui que ce n'est que du bonheur de feuilleter doucement le passé remisé. Sans nostalgie . Avec surprise parfois, émerveillement souvent devant tant de gentillesse offerte. Tant de compliments. 
J'ai bien fait me dis-je d'attendre cette année pour faire ainsi défiler 65 ans de vie parce que c'est comme de se passer un vieux film au ralenti. Un film qui serait familier sans pour autant s'imposer, sans vous remuer . On y a joué un rôle, pas forcément toujours le plus beau, mais les scènes mises bout à bout ont un sens et forment le puzzle qui au fond  nous rassemble, nous ressemble, nous dit où nous en sommes, nous souffle quelles pièces manquent pour que cette vie soit à la fin cette oeuvre que l'âme  s'était promise . Cela a été dur , ça a pris du temps mais ça y est , on y est au bilan ! 
Ce qui un temps paraissait glorieux a bien peu d'importance . Ce qui semblait bénin sort aujourd'hui du lot.  Des projets traînent encore, toujours entre les lignes. Les progrès sont  comme enfouis dans nos rides.  Mais ils sont là .  Les remises en questions les ont forgés pour la prochaine fois. Nos cheveux ont blanchi les chagrins.  Le service vaille que vaille , coûte que coûte a été rendu. Du mieux qu'on a pu. On est serein. C'est juste bien .



Bluebells Cottage



Le Bien Nommé en ce moment ! Le refuge fleuri de Rossadilisk où vivent une Fée Clochette et un Prince du Cœur. Les bluebells sont des jacinthes des bois  et qui pourrait mieux que ces deux-là incarner le symbolisme de cette fleur humble, généreuse et constante ? 

La Jacinthe :  Dans le langage des fleurs, la jacinthe parle des joies du cœur, elle symbolise la délicatesse et la joie de vivre. La signification principale de la jacinthe est: " Je suis heureux de vous aimer". La jacinthe de couleur bleue transmet un message d'espoir amoureux. De sincérité aussi je trouve. 




Sagesse intérieure

Your very own inner wisdom should be valued more than any other and will always guide you in the direction you need to travel



Appréciez plus que toute autre  votre  propre sagesse intérieure . Elle vous guidera toujours dans la direction que vous avez besoin d'emprunter . 


Une sole sans boussole

Le lendemain de notre bonne fortune à Loué , il pleuvait sur la route qui nous emmenait vers le sud .
Nous nous trouvions quelque part au milieu de nulle part , dans le département  de la Loire ! 

Michel dit que, vu les trombes d'eau qui rendaient la conduite difficile, il serait judicieux que nous trouvions un hôtel proche sans attendre d'atteindre St Etienne. . 
En bonne provinciale, je savais qu'il y a partout un hôtel aux environs de la gare .
-"C'est simple dis-je, gagnons la ville la plus proche, il y aura forcément un hôtel à la gare ".
Mon jeune époux admirait beaucoup chez moi ce sens de l'organisation pratique et suivit le conseil . 
Nous voici dans une ville moyenne,  ce 11 juillet 1966.  
Et bientôt à la gare . Et bientôt au "Central", une brasserie qui lui faisait et lui fait encore face . 
Il était déjà tard . Nous étions en semaine . Nous prîmes le temps d'un bain avant de descendre dîner. La salle de restaurant était assez lugubre. J'avais envie de chercher un endroit plus accueillant en ville... Michel trouva que puisque nous nous étions déjà installés dans la chambre (  que j'avais, d'emblée, taxée de "vieillotte "avec son papier peint fleuri ) nous ne pouvions nous lever  et partir. 
Nous commandâmes chacun  six huîtres,  suivies d' une sole . Pas de dessert mais une bonne bouteille de vin. Nous étions les seuls à dîner. Le "garçon" se tenait debout près de notre table et nous trouvions ça amusant... De notre vie jamais nous ne  dégustâmes une sole aussi bonne . Remarquablement cuite , charnue,  un délice. Nous en parlions encore, régulièrement, 30 ans plus tard ! 


Le lendemain, au moment de payer l'addition : 
Ô rage , Ô désespoir ! L'addition était le double du budget prévu ! 
Certains l'ont deviné sans doute : nous nous étions conduits nous-mêmes , sans le savoir, à Roanne , "Aux trois Gros "!!! dont nous ne connaissions pas, à l'époque, la réputation déjà internationale. 

Nos deux premières étapes expliquent pourquoi notre jeune interne en médecine ne put offrir à sa dulcinée que 3 soirs et non 5, comme prévu, à la Colombe d'Or à St Paul de Vence,  à l'ombre de S. Signoret et d'Y. Montand . Et que notre jeune couple d'amoureux finit son périple dans un hôtel sans étoile à St Tropez où de toute façon elle n'avait aucune envie de rester tant toutes les autres filles lui semblaient belles et bronzées alors que sa peau de rouquine la transformait chaque soir un peu plus en homard intouchable !



Loué soit l'Aubergiste


J'ai une jolie histoire à vous raconter à propos de Loué :
J'avais souhaité y passer la première nuit de  notre voyage de noces 
et comme nous allions de Lorient à St Tropez nous pouvions y passer. 
Nous y voilà donc à l'heure du dîner. 
Un poulet de Loué dégusté à Loué,  imaginez le plaisir pour la gourmande que j'étais à 23 ans ! 
J'avise un restaurant, le meilleur, le plus beau, le plus chic, évidemment. Et me précipite, déjà l'eau à la bouche,   pour lire le menu affiché sur la vitre . 
Oh Surprise ! Le prix n'est pas du tout dans nos  faibles moyens .
Le cadre étant super, nous décidons d'y aller tout de même. 
Quand l'aubergiste, une femme d'une cinquantaine d'années vint prendre la commande . 
" J'ai une migraine soudaine , dis-je, et aucun appétit . Accepteriez -vous que nous partagions un menu ? " 
-Bien sûr, répondit-elle. A votre convenance . "
Me voici soulagée pour le porte-monnaie . Et satisfaite  malgré tout de manger, pour commencer, 3 escargots sur 6 , une demie tranche de foie gras avant de goûter le poulet aux morilles !!!
Elle apporte tout en double  et dit : 
"Au cas où vous iriez mieux  Madame, soudainement ! la maison vous offre le 2ème menu " 
Quelle régalade ! Elle avait vu, bien sûr, de l'autre côté de la vitre mes yeux pétillants passer de l'excitation palpable à la déception incontestable . 
Je l'ai souvent remerciée par la suite de sa générosité, de son ouverture du cœur,  de sa délicatesse aussi . 
Ce soir là, elle m'a offert un de mes plus chers souvenirs . 

dimanche 26 avril 2020

Connemara in April




Si la pluie vous manque !


                                                  Génial 

Les petits soleils


Du bon usage des crises



Extrait d’une conférence prononcée le 15 juin 1991 à Mirmande à l’occasion du dixième anniversaire du Centre Dürckheim (Drôme).

J’ai gagné la certitude que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire.

Et le pire, comment pourrais-je exprimer ce qu’est le pire ? Le pire, c’est bel et bien d’avoir traversé la vie sans naufrages, d’être resté à la surface des choses, d’avoir dansé au bas des ombres, d’avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n’avoir jamais été précipité dans une autre dimension. Les crises, dans la société où nous vivons, elles sont vraiment ce qu’on a encore trouvé de mieux, à défaut de maître, quand on n’en a pas à portée de main, pour entrer dans l’autre dimension.

Dans notre société, toute l’ambition, toute la concentration est de nous détourner, de détourner notre attention de tout ce qui est important. Un système de fils barbelés, d’interdits pour ne pas avoir accès à notre profondeur. C’est une immense conspiration, la plus gigantesque conspiration d’une civilisation contre l’âme, contre l’esprit. Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer dans la profondeur, il n’y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous. La crise, qui sert en quelque sorte de bélier pour enfoncer les portes de ces forteresses où nous nous tenons murés, avec tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être.

Récemment sur une autoroute périphérique de Berlin où il y a toujours de terribles embouteillages, un tagueur de génie avait inscrit sur un pont la formule suivante : « Détrompe-toi, tu n’es pas dans un embouteillage, l’embouteillage c’est toi ! ». Nous sommes tous spécialisés dans l’esquive, dans le détournement, dans le « divertissement » tel que le voyait Pascal. Il n’y a au fond que cette possibilité, subitement, de se dire : « Oui mais tout cela, tout ce qui m’enserre, tout ce qui m’étrangle, mais c’est moi ! ».

[…] J’ai connu cette période où lorsqu’on entend une chose pareille, et que l’on est soi-même plongé dans un désespoir très profond, ces propos paraissent d’un cynisme insupportable. Et pourtant quand on a commencé à percevoir que la vie est un pèlerinage, quand à une étape de ce pèlerinage on regarde en arrière, on s’aperçoit vraiment que les femmes, les hommes qui nous ont le plus fait souffrir sur cette terre, sont nos maîtres véritables, et que les souffrances, les désespoirs, les maladies, les deuils, ont été vraiment nos sœurs et nos frères sur le chemin. Je sais que cela peut avoir une coloration insupportable quand on est dans une phase de désespoir, mais c’est tellement fabuleux quand on s’arrête en cours de route, quand on regarde en arrière, et qu’on se dit : « mais oui, c’est vrai ! ».

[…] J’ai pour ma part rencontré le travail de Dürckheim. Dans une crise vraiment très profonde. Après avoir traversé une existence très préservée, très occupée à éviter les naufrages, toute cette adresse à passer entre les catastrophes, entre les blessures, et subitement, après quinze ans de mariage, l’arrivée d’une autre femme, l’arrivée dans une existence préservée d’un autre être, qui du jour au lendemain détruit l’univers que vous vous étiez construit. Et la traversée, pendant deux ans, trois ans, de la solitude de l’abandon, dans un pays étranger, dans un village au bout du monde, et la rencontre du travail de Dürckheim et d’une remarquable femme, son élève, qui travaillait avec la voix. Alors que j’attendais d’elle qu’elle me donne la force de faire mes bagages, et de partir avec mes fils, elle m’a dit : « Tu restes là, assise au milieu du désastre, là. »

Tout le travail que j’ai fait par la suite avec le corps, avec la présence au monde, aux choses, cette leçon, non seulement d’accepter l’inacceptable, mais d’y entrer, d’y établir ses pénates, entrer dans le désastre, à l’intérieur, et y rester, y rester ! Non pas fuir, mais oser rester, à l’endroit où je suis interpellée, à cet endroit où tombent tous les masques, où tout ce que je n’aurais jamais pu croire s’avère être en moi, tous les démons, toute l’ombre. Les paroles éclatent et tous les démons déferlent dans la vie, la jalousie, l’envie de meurtre, l’autodestruction. Et je reste là et je regarde.

[…] J’ai rencontré voilà quatre jours, en faisant une conférence à Vienne, une femme ; et c’est une belle histoire qu’elle m’a racontée qui exprime cela à la perfection. Elle me disait à la perte de son unique enfant, avoir été ravagée de larmes et de désespoir, et un jour, elle s’est placée devant un miroir et a regardé ce visage brûlé de larmes, et elle a dit : « Voilà le visage ravagé d’une femme qui a perdu son enfant unique », et à cet instant, dans cette fissure, cette seconde de non-identification, où un être sort d’un millimètre de son désastre et le regarde, s’est engouffrée la grâce. Dans un instant, dans une espèce de joie indescriptible, elle a su : « Mais nous ne sommes pas séparés », et avec cette certitude, le déferlement d’une joie indescriptible qu’exprimait encore son visage. C’était une femme rayonnante de cette plénitude et de cette présence qu’engendre la traversée du désastre.

Il existe, paraît-il, dans un maelström, un point où rien ne bouge. Se tenir là ! Ou encore, pour prendre une autre image : dans la roue d’un chariot emballé, il y a un point du moyeu qui ne bouge pas. Ce point, trouver ce point. Et si un seul instant, j’ai trouvé ce point, ma vie bascule, parce que la perspective est subitement celle de Job, cette perspective agrandie, de la grande vie derrière la petite vie, l’écroulement des paravents, l’écroulement des représentations, un instant, voir cette perspective agrandie.

Source : Extrait de « Du bon usage des crises », par Christiane Singer, pp. 41-49. Edition Albin Michel, 2001.

Le tableau nouveau


De SASSOU POURROY 
Magicienne de son état . 

Joshua Bell

Un musicien de rue était debout dans l’entrée de la station « L’Enfant Plaza » du métro de Washington DC. C’était un matin froid, en janvier 2007. Il a joué durant 45 minutes. 
Pour commencer du Bach, puis l’Ave Maria de Schubert, du Manuel Ponce, du Massenet et de nouveau Bach. 
A cette heure de pointe, il était près de 8h du matin, quelque mille personnes ont traversé ce couloir, pour la plupart en route vers leur boulot. 
Après trois minutes, un homme d’âge mûr a remarqué qu’un musicien jouait. Il a ralenti son pas, s’est arrêté quelques secondes puis il est reparti en accélérant. 
Une minute plus tard, le violoniste a reçu son premier dollar : sans s’arrêter, une femme a déposé le billet dans sa soucoupe. 
Quelques minutes plus tard, un quidam s’est appuyé sur le mur d’en face pour l’écouter mais regardant sa montre il a recommencé à marcher. Il était clairement en retard. 
Celui qui a marqué le plus d’attention fut un petit garçon d’environ trois ans. Sa mère l’a tiré, pressée, mais l’enfant s’est arrêté pour regarder le violoniste. 
Finalement sa mère l’a secoué et agrippé vivement afin qu’il reprenne le pas. Toutefois, en marchant, l’enfant a gardé la tête tournée vers le musicien. 
Durant les trois quarts d’heure de jeu du musicien, seules sept personnes se sont vraiment arrêtées pour l’écouter un temps. Il a récolté en tout et pour tout 32 dollars ! 
Quand il a eu terminé de jouer personne ne l’a remarqué. Personne n’a applaudi. Une seule personne l’a reconnu, sur plus de mille. Personne ne se doutait que ce violoniste était Joshua Bell, un des meilleurs musiciens sur terre. 
Il a joué dans ce hall les partitions les plus difficiles jamais écrites, avec un Stradivarius de 1713 valant 3,5 millions de dollars ! 
Deux jours avant de jouer dans le métro, sa prestation au théâtre de Boston était « à guichet fermé » avec des prix avoisinant les 100 dollars la place. C’est une histoire vraie ! 
L’événement Joshua Bell, jouant incognito dans une station de métro, a été organisé par le « Washington Post » dans le cadre d’une enquête sur la perception, les goûts et les priorités d’action des gens. 
Les questions étaient : Dans un environnement commun, à une heure inappropriée, pouvons-nous percevoir la beauté ? Nous arrêtons-nous pour l’apprécier ? Pouvons-nous reconnaître le talent dans un contexte inattendu ? 
Une des possibles conclusions de cette expérience pourrait être : 
Si nous n’avons pas le temps pour nous arrêter et écouter l’un des meilleurs musiciens au monde jouant quelques-unes des plus belles partitions jamais composées, à côté de combien d’autres choses exceptionnelles passons-nous ?

Le violon du diable


ARA MALIKIAN
Et son fantastique talent 
Un Armenien endiablé ....
De toute beauté !!!!


LIVE at Las Ventas  MADRID 


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