" Les hommes sont des petits garçons obéissants. Ils vivent comme on leur a appris à vivre. Quand le temps est venu de quitter leur mère, ils disent : d'accord mais il me faut une femme, j'ai droit à une certaine qualité de femme rien qu'à moi, il me faut une femme dans mon lit, à ma table, une mère pour mes enfants et pour moi qui resterais inguérissable de mon enfance. Et parce qu'ils leur semblent que le meilleur moyen de tenir une femme, c'est encore de l'épouser, alors ils épousent et prennent le mariage comme un fléau de plus, une corvée inévitable comme celle du travail salarié où des courses à faire le samedi.
Quand ils ont leur femme, ils n'y pensent plus. Ils jouent avec un ordinateur, répare une étagère, passe la tondeuse dans le fond du jardin. C'est leur manière de se reposer d'une vie vécue comme une intempérie. C'est leur manière de partir sans partir. Avec le mariage quelque chose finit pour les hommes.
Pour les femmes, c'est l'inverse : quelque chose commence. Dès l'adolescence les femmes vont droit à leur solitude. Elles y vont si droit qu'elles l'épousent. La solitude peut être un abandon et elle peut être une force. Dans le mariage les femmes découvrent les deux. Le mariage est une histoire très souvent voulue par les femmes et par elles seules, rêvée en profondeur par elles seules, portées par elles seules, ce qui fait que parfois elles se lassent et désertent : quitte à être seules, autant l'être pleinement. "
Christian Bobin.
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