« Mon Roi », réalisé par Maïwenn
Tony est admise dans un centre de rééducation après une grave chute de ski. Dépendante du personnel médical et des antidouleurs, elle prend le temps de se remémorer l’histoire tumultueuse qu’elle a vécue avec Georgio. Pourquoi se sont-ils aimés ? Qui est réellement l’homme qu’elle a adoré? Comment a-t-elle pu se soumettre à cette passion étouffante et destructrice ? Pour Tony c’est une difficile reconstruction qui commence désormais, un travail corporel qui lui permettra peut-être de définitivement se libérer …
Actrice confirmée, Maïwenn est depuis une dizaine d’années passée derrière la caméra avec le discret Pardonnez-moi, le remarqué Bal Des Actrices et le Prix du jury du Festival de Cannes de 2011, l’acclamé Polisse. Près de quatre ans après, elle revient avec Mon Roi, sur la vie amoureuse de deux personnes qui se détruisent l’un-l’autre, pour une deuxième sélection en Compétition Officielleau 68e Festival de Cannes. Après avoir bluffé avec Polisse, Maïwenn nous surprendra-t-elle avecMon Roi, qui contient au casting les excellents Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot, qui a d’ailleurs décroché hier soir le Prix d’Interprétation Féminine ? Réponse.
Après une chute à ski, une femme est en rééducation dans un centre spécialisé, en bord de mer. L’occasion pour elle de faire un travail corporel mais aussi psychologique puisqu’elle se remémore sa plus grande histoire d’amour… C’est dès le départ le fil rouge du film, entrecoupé de longs flash-backs. Commence d’abord la rencontre entre Tony et Georgio: le ton est léger et drôle, permettant au public de s’éprendre d’affection pour nos protagonistes. Vincent Cassel est alors excellent, drôle et spontané, là où Emmanuelle Bercot est rapidement attachante: l’alchimie se crée très vite entre les deux. Partie du film très romantique, c’est à une belle et forte histoire d’amour à laquelle on assiste avec plaisir, progressivement importante avec un enfant puis un mariage. C’est à ce moment qu’arrive la descente aux enfers. Brutale, elle fait changer le film de registre et le plonge dans une sorte de drame psychologique: l’amour idyllique devient destructeur, autant dans un sens que dans l’autre. L’homme plein de belles promesses devient maladroit et mensonger, la femme pleine de rêves devient paranoïaque. Chacun entraîne l’autre dans ce qu’il ne veut pas être. Aveuglés par les sentiments alors que tout va mal (la première partie du film dont on parle plus haut rend cette intention crédible), le couple s’enferme dans une valse sans fin. Tony est emprisonnée dans une certaine conception de la famille alors que Georgio plonge dans une perversion narcissique et destructrice. Pourtant fil rouge essentiel, les scènes de rééducation (avec une apparition assez surprenante de Norman Thavaud) sont moins fortes que les flash-backs, saisissants. Néanmoins la réalisatrice filme avec une certaine sensibilité et fascination la réparation physique et psychologique de Tony, qui relativise sa vie d’avant.
Maïwenn valse habilement avec ses deux personnages, joue avec leurs émotions et les laisse exploser en saisissant de précieux instants: elle filme en effet toujours avec deux caméras, toujours en mouvement sur le plateau afin de trouver la perle rare. En totale opposition avec le début deMon Roi, Emmanuelle Bercot devient poignante et bouleversante, même dans une hystérie un poil gênante à regarder, là où Vincent Cassel ne perd pas de son spontané et de son charisme. C’est ce charme que les acteurs continuent à se donner l’un-l’autre qui rend l’éloignement difficile entre ces deux personnages. Autour d’eux gravitent des seconds rôles qui permettent un certain recul sur la situation, alors même que le spectateur ne sait plus quel côté choisir: on retiendra surtout l’excellent Louis Garrel, ici à contre-emploi puisqu’il est très fin et drôle dans le rôle du frère assez ironique de Tony.
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