lundi 16 septembre 2019

La dévorée

Elle est là, face à moi dévorée par les pleurs. Ses larmes roulent sur ses joues, elle les recueille avec douceur dans le mouchoir posé sur sa jambe. C'est comme une danse, une caresse humide. Ce qu'elle pleure, c'est cet amour déçu, attendu, elle prend chaque larme doucement et la pose sur le tissu. Elle n'est que larme. Elle traduit l'absence, l'attente au fond inespérée, de l'homme qu'elle aime. Elle sait qu'il ne viendra plus. Un an qu'elle attend, un an qu'elle espère. Un an qu'elle n'est qu'une ombre. Un an qu'elle vit comme une emmurée.
Je suis face à elle et j'écoute sa voix écourtée par les sanglots. Ceux de l'enfant en elle qui espère l'incroyable, le magique, le magnifique. Elle pleure la déception, les regrets, les moments perdus. Pour elle, pour lui.
S'ouvre alors la vision d'une réalité qu'elle n'imaginait pas, ce creux dans le ventre, ses déclarations à lui. Elle voit alors l'immensité de sa peine. C'est alors une mer de larmes qui s'écoulent. Entrainant avec elle, les pensées tristes mais aussi d'autres destins libres.
Elle part, laissant derrière elle, la peur insondable de la solitude, cette traversée lente du coeur de soi-même.
Elle part, il fait nuit et je sais que moi aussi j'ai cette lourde tâche, mais sublime, qui consiste à ne faire qu'avec soi.
Instantané clinique. 13 septembre 2019.
Renaud Parnassus
posté par Maela 
Photo : Alain Bergeon

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