lundi 9 mars 2020

Notre Laura et sa Légende


RESTAU RÉSILIENT

« Si un jour tout collapse, je pourrais toujours recevoir à ma table »


Ingrédients 100 % locaux, valorisation des produits, poste de cuisson au feu de bois, compostage des déchets… Laura Schiffman, fondatrice du restaurant de village La Légende, à Sauveterre-de-Béarn (64), vise l’autosuffisance
La cuisinière fonctionne au feu de bois. Laura doit être précise, il n’est pas possible de régler la température de cuisson. © Gaëlle Coudert
Qu’adviendra-t-il des restaurants si tout s’écroule, si l’on doit réinventer notre façon de vivre en société ? C’est la question que s’est posée Laura Schiffman, la fondatrice du restaurant La Légende, situé à Sauveterre-de-Béarn en Pyrénées-Atlantiques, quand a germé dans son esprit le concept d’un restaurant basé sur les principes de la permaculture¹, entièrement résilient et autonome.
J’ai eu un choc écologique, après avoir regardé un documentaire (Food Inc., ndlr). Ça m’a prise aux tripes. Je me suis demandé ce que je pouvais faire et j’ai tout de suite eu l’idée d’un restaurant autosuffisant. Ce choc, c’était il y a huit ans. Bien longtemps avant la concrétisation du projet en octobre 2018. Le temps pour la jeune Parisienne néophyte en cuisine d’organiser son changement de vie. J’ai avancé par étapes. J’ai appris la cuisine, je me suis formée, j’ai travaillé. Puis elle a sillonné la France pendant six mois à la recherche de son futur lieu de vie avant de s’installer à Sauveterre-de-Béarn pour ouvrir son restaurant.

Plat du jour : ragoût de cochon de lait, purée de haricots blancs et légumes. © Gaëlle Coudert

Du café à la voile

Pas de chocolat ni de sucre, ni de poivre dans les assiettes du néo-bistrot de campagne. Le transport de ces denrées est bien trop polluant. Laura s’approvisionne directement auprès des agriculteurs des environs, afin de ne cuisiner qu’avec des ingrédients 100 % locaux. Locaux mais pas forcément bio. La procédure de labellisation est parfois trop coûteuse pour les petites exploitations, explique-t-elle. Ce qui compte pour moi, ce sont les pratiques : le respect du vivant et de la terre. Échanger de mains à mains permet aussi d’éviter le plastique.
Laura connaît bien les personnes avec lesquelles elle travaille et suggère même parfois aux maraîchers de diversifier leur production afin d’étoffer son menu ! En attendant que ça pousse, elle s’adapte à ce qui est récolté et propose chaque jour un menu différent et unique. Ce jeudi : salade de fenouil, poulpe grillé et pesto d’herbes en entrée ; ragoût de cochon de lait, purée de haricots blancs, légumes en plat principal et crumble aux pommes, amandes et crème de lait en dessert — avec du miel à la place du sucre blanc bien entendu ! De la contrainte naît la créativité, se réjouit la cuisinière, qui s’impose également de valoriser au mieux chacun des produits afin d’éviter au maximum les pertes.
Seules exceptions au tout local : le vin et le café. Le vin, sélectionné par Pauline Dupin-Aymard, la nouvelle sommelière de La Légende, est cependant naturel et issu de vignobles français. Pour le café, produit de l’autre côté de l’Atlantique, la restauratrice et sa collaboratrice ont déjà une idée en tête : l’acheminement par bateau à voile !

La venelle a été transformée en cellier naturel. Une échelle permet d’accéder aux vins, fromages et légumes stockés en hauteur. © Gaëlle Coudert

« Dans le futur, il faut des restaurants ! »

Il faut dire que la particularité du lieu ne s’arrête pas au choix et au respect des produits. Tout a été pensé pour faire de La Légende un lieu résilient. Notre solution est adaptée au lieu choisi, à son biotope. La venelle de 50 centimètres (espace vide entre deux maisons) a ainsi été transformée en cellier naturel pour y stocker les légumes, le fromage et les vins rouges. La cuisine se fait au feu de bois et un bouilleur a été installé derrière le four pour récupérer la chaleur afin de produire l’eau chaude et le chauffage du restaurant. Il n’y a pas de congélateur, les rares déchets alimentaires sont compostés… Tout a été mûrement réfléchi, mais on n’est pas toujours en capacité de savoir ce qui est le plus écologique, explique la restauratrice qui aime parler du lieu comme d’une « expérience ». Ce qui est important dans ce projet, c’est de comprendre qu’on est en chemin. L’objectif est d’être conscient de ce que l’on produit et d’être toujours en mouvement, dans un processus d’amélioration.
Si un jour tout collapse, je pourrais toujours recevoir à ma table. Au fond, si j’ai eu cette idée, c’est aussi parce que j’ai toujours adoré aller au restaurant. Dans le futur, il faut des restaurants ! Ça me semble être quelque chose d’essentiel ! lance la jeune femme, le sourire aux lèvres. La finalité, c’est aussi d’animer la ruralité. La Légende est un restaurant mais pas que. C’est un lieu social, un lieu d’échange, un lieu de rencontres, précise Laura qui sort de cuisine pour accueillir avec une bise chaleureuse chacun de ses clients. Pour elle, le cœur de ce projet, c’est de donner et de recevoir de l’amour. Pari réussi. Les gens nous disent merci avec des étoiles dans les yeux. Et c’est cela qui m’anime. 

Laura Schiffman a écrit les premières lignes de sa Légende en octobre 2018. © Gaëlle Coudert
¹  La permaculture n’est pas un concept seulement agricole. Dans sa signification plus étendue, il s’agit d’une théorie permettant aux hommes de créer des habitats plus autonomes, durables et résilients, inspirés de la nature.

1 commentaire:

lina a dit…

J'adore sa démarche. L'avenir est en route, je me reconnais dans sa démarche. Bises et bonne convalescence à toi. Lina