L'amour est le seul évènement digne de ce nom...
" Je ne songe jamais à ce qui se passera demain. Quelque chose a eu lieu dont j'ignore tout.
Le vif en nous c'est l'enfant, celui qui aime, qui joue à aimer.
L'amour c'est quand quelqu'un vous ramène à la maison, quand l'âme revient au corps, épuisée par des années d'absence.
Je bâtis une maison sans plan pour y recevoir la vie que j'aime de plus en plus.
Je n'ai jamais vécu en couple, par goût profond de la solitude.
Ce qui fait le désespoir de tant de couples c'est un irrespect de la solitude native de l'autre.
Je
vois dans la première flaque d'eau venue -miroir de poche,
icône enfantine- autant de miracles que dans ces terres gorgées de
soleil et de peinture.
C'est
donc ça la paternité, c'est donc aussi simple et mystérieux que ça :
servir ce qui arrive sans prétendre en être le maître, n'être qu'un
intermédiaire entre l'enfant et l'invisible, rien de plus qu'un
intermédiaire.
Pendant
40 ans, j'ai appuyé mon cœur sur le cœur d'un enfant de 3 ans....
Lorsque privé de secours, j'hésitais sur le chemin à prendre, je me
tournais vers cette figure ensauvagée pour y trouver le calme.
Nous ne
ferons jamais assez confiance à cette enfance en nous. Là où les mots
font défaut, elle parle. Là où ne savons plus, elle tranche.
Il
me semble que nous ne disposons dans la vie que d'une quantité limitée
de "oui" et qu'il nous faut, avant de les délivrer, les protéger par une
quantité illimitée de "non".
Je
crois que l'enfance est pour beaucoup dans ces refus dont nous
ressentons la nécessité sans savoir les justifier. Je crois qu'il n'y a
qu'elle à écouter.
La
solitude est une maladie dont on ne guérit qu'à condition de la laisser
prendre ses aises et de ne surtout pas en chercher le remède, nulle
part. J'ai toujours craint ceux qui ne supportent pas d'être seuls et
demandent au couple, au travail, à l'amitié voire, même au diable ce que
ni le couple ni le travail ni l'amitié ni le diable ne peuvent donner :
une protection contre soi-même, une assurance de ne jamais avoir
affaire à la vérité solitaire de sa propre vie. Ces gens-là sont
infréquentables. Leur incapacité d'être seuls fait d'eux les personnes
les plus seules au monde.
Quand il n'y avait pas l'imprimerie, il y avait déjà le chant.
Je
crois que c'est ça un artiste. Je crois que c'est quelqu'un qui a son
corps ici et son âme là-bas, et qui cherche à remplir l'espace entre les
deux en y jetant de la peinture, de l'encre ou même du silence.....
avec plus ou moins d'amour.
Ecrire, c'est ne rien oublier de ce que le monde oublie.
Oui, il y a mille et une manières de lire, mille et une manières de vivre sa vie, d'en tourner les pages.
S'il
nous faut dans vie travailler à quelque chose, c'est bien à faire
venir cette douceur aimante qui n'est que l'autre nom de la force. la voix claire d'aucun ennui.
Les enfants sont des étrangers qui vivent chez les parents.
Il nous reste l'essentiel, le communisme de l'enfance.
L'épreuve
commune à tous d'avoir un jour été enfants sur la terre et de le
demeurer encore, car c'est inépuisable et plus puissant que la
mort, intouchable même par la mort ou par l'économie.
Quand je mourrai, j'aurais 2 ans, pas plus. Travailler sur la langue c'est agir sur le monde : C'est bien parce que certaines paroles nous tuent que d'autres paroles peuvent nous ressusciter.
Christian Bobin, L'épuisement.
1 commentaire:
L'épuisement du vide comblé par l'immensité de l'amour...
Merci pour ces mots magnifiques de notre ami Bobin. Ils ont fait leur chemin...
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