jeudi 13 août 2015

Rick Guidotti

Rick Guidotti : «J'ai la responsabilité de montrer tous les types de beauté»


Par figaro iconPauline Fréour - le 11/08/2015

INTERVIEW - L'ex-photographe de mode Rick Guidotti a photographié des dizaines de milliers d'individus victimes de maladies génétiques et sensibilise le grand public ainsi que des professionnels de santé.


En 1997, quelques jours avant la rencontre qui allait changer sa vie, le photographe de mode Rick Guidotti «shootait» dans son studio new-yorkais rien moins que la top-modèle internationale Cindy Crawford. Mais c'est une adolescente albinos anonyme croisée à un arrêt de bus, dont la beauté particulière le submergea, qui déclencha en lui l'envie de consacrer son talent à la valorisation d'individus au physique marqué par des maladies génétiques. Dix-huit ans après, l'artiste américain revendique des dizaines de milliers de portraits d'individus croisés aux quatre coins du monde et a élargi son projet photographique initial, baptisé «Positive exposure*», à une sensibilisation plus large du grand public et des professionnels de santé. Un travail remis en lumière récemment par un documentaire, «On beauty» (en français, «De la beauté»), récompensé en 2014 et 2015 par plusieurs prix internationaux.

Sarah, atteinte du syndrome de Sturge Weber, est l'un des personnages protagonistes principaux du documentaire «On Beauty».

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LE FIGARO.- Vous avez pris en photo des dizaines de milliers de personnes souffrant de pathologies comme l'albinisme, le nanisme, la trisomie 21, et bien d'autres moins fréquentes. Travaillez-vous avec ces individus au physique marqué par la maladie comme vous le faisiez avec les mannequins professionnels?

Grace est atteinte de trisomie 21.
Grace est atteinte de trisomie 21.

Rick GUIDOTTI.- La première que j'ai photographiée, c'est une jeune albinos, Christine. Elle est entrée dans mon studio les épaules voûtées, regard au sol, l'estime de soi à zéro, et moi j'ai eu envie de la traiter comme les mannequins qui l'avaient précédée en ces lieux. J'ai mis le ventilateur, branché les lumières et je lui ai tendu le miroir, en lui disant à quel point elle était belle. Elle a fini par décrocher un immense sourire. C'était merveilleux, et si différent de toutes les images que l'on trouvait à l'époque sur les albinos: des photos laides, tristes, uniquement associées à leur condition médicale. Désormais, je travaille à la lumière naturelle et sans maquillage car comme je ne connais pas le dossier médical de chacun, je veux éviter tout ce qui pourrait nuire à leur santé en créant une réaction cutanée ou en abîmant leur vue.

Les personnes que vous photographiez ont l'habitude d'être raillées, harcelées, ou au contraire de susciter la peur ou le dégoût. Est-il difficile de les convaincre de se laisser prendre en photo?

Non, je rencontre peu de réticences. En général, j'entre en contact avec mes modèles par l'intermédiaire de groupes de soutien ou d'associations spécialisées. Nous sommes très sollicités, dans le monde entier. Les personnes au physique atypique se sentent mal vis-à-vis de leur apparence mais c'est un sentiment qui leur pèse. Je me suis par exemple rendu dans un petit village d'Oman où l'on m'avait défendu de sortir mon appareil lors de la présentation de ma démarche, au motif que la maladie était tabou là-bas. Mais très vite, une dame de l'assistance m'a interrompu pour me demander de photographier son fils qui avait une jambe malformée, et à sa suite tout l'auditorium a réclamé son tour!

Comment décririez-vous ce que vous faites?

La peau de Tatyana est partiellement couverte par un nævus congénital mélanocytaire géant.
La peau de Tatyana est partiellement couverte par un nævus congénital mélanocytaire géant.

En tant qu'artiste, j'estime avoir une responsabilité: celle de montrer la beauté qui n'est pas perçue. C'est presque de la pédagogie. J'étais très frustré en tant que photographe de mode de me voir imposer une certaine définition de la beauté - qui changeait d'ailleurs à chaque saison! Désormais, je chercher à modifier le regard des gens, y compris les professionnels de santé, pour que la beauté soit perçue dans toute sa diversité. Je voudrais qu'on voie la personne avant de voir la maladie. Nous préparons d'ailleurs un livre de photographies pour le mois de janvier, que je souhaiterais voir dans toutes les salles d'attente de tous les médecins du monde.

Avez-vous d'autres projets?

Nous avons toujours plusieurs expositions en cours, en ce moment à Tel-Aviv, Houston, en Caroline du Sud… Nos photos n'ont jamais été montrées en France mais j'adorerais. En attendant, elles sont visibles sur notre site. Nous avons aussi lancé une plateforme vidéo à destination personnel médical, Frame, qui héberge des clips de 7 minutes dans lesquels nous avons demandé à des patients de raconter eux-mêmes leur maladie.

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