Emmanuelle Bercot brûle les planches dans un face à face avec elle-même considérablement angoissant
Emmanuelle Bercot se révèle intense et fiévreuse dans une pièce oppressante qui dépèce l’angoisse de vivre sans prendre de gants, plonge tête la première dans une psyché torturée et nous tient en haleine jusqu’à la fin. Bergman adapté au théâtre ne perd pas sa force de frappe et l’on ne sort pas indemne de ce “Face à Face”.
Décidément, Léonard Matton ne chôme pas et semble n’avoir peur de rien. Après avoir adapté “Hamlet” dans une version immersive inédite au Secret, friche éphémère ouverte avant l’été de sa propre initiative, le metteur en scène s’attaque à un scénario épineux et douloureux d’Ingmar Bergman, réalisateur suédois ayant placé la complexité de la psychologie humaine au cœur de son cinéma. La tâche était rude car le récit prend la forme d’une descente aux enfers dont la rédemption n’arrive qu’en bout de course et le spectateur n’est pas épargné par le mal-être grandissant du personnage principal, allant jusqu’à le pousser dans ses ultimes retranchements, mais le jeu en valait la chandelle tant il offre une partition d’exception à l’actrice non moins exceptionnelle qu’est Emmanuelle Bercot (par ailleurs réalisatrice confirmée) et qui se livre ici à corps perdu dans une performance époustouflante. A ses côtés, une poignée de comédiens endosse plusieurs rôles afin de faire exister tous les personnages gravitant autour de cette psychiatre rattrapée et dépassée par ses angoisses au point de perdre pied. Nathalie Kousnetzoff impressionne par son caméléonisme bigarré, David Arribe distille son pouvoir de mystère et d’attraction, Thomas Gendronneau sa fébrilité contenue de jeune premier prometteur, Philippe Dormoy sa bonhomie malicieuse, Lola Le Lann sa silhouette gracile et sa belle gravité et Evelyne Istria que l’on a beaucoup d’émotion à retrouver sur scène en grand-mère attentionnée semble porter en elle tous les rôles qu’elle a joué et digéré. Toutes ces générations sont réunies ensemble sur un même plateau pour donner corps et vie scénique à ce film de Bergman datant de 1976 et mené bien sûr par Liv Ullman, fidèle interprète du cinéaste.
Si le spectacle n’a pas encore trouvé sa vitesse de croisière, pêche encore dans ses transitions et sa dynamique d’ensemble, on ne doute pas qu’il trouvera sur la durée son rythme, gagnera en fluidité et déploiera pleinement la puissance de ses enjeux. Car l’essentiel est là, le suspense et le trouble enflent au fur et à mesure, l’atmosphère sombre et inquiétante happe le spectateur dès la première scène, les cauchemars se mêlent au réel jusqu’à se confondre avec lui. Léonard Matton mise sur la simplicité des moyens, un décor minimaliste avec mobilier facilement mobile pour signifier aisément chaque espace, un rideau transparent en fond de scène servant d’écran de projection et permettant de délimiter une zone de jeu supplémentaire en arrière-plan. L’inspiration cinématographique est évidente (Hitchcock et Brian de Palma flottent dans l'air) et il fallait une cinéphilie solide pour oser s’attaquer à pareil monstre filmique. Car ce scénario de l’angoisse, oppressant au plus haut point, a beau suivre la trajectoire individuelle d’un personnage fictionnel, il nous renvoie inévitablement à nos terreurs d’enfant, aux recoins obscurs de notre mémoire et de notre imaginaire, à des questionnements vertigineux. Et les démons, les sources d'effroi de cette psy à la dérive viennent nous vampiriser jusque dans la salle. Car Emmanuelle Bercot nous les rend palpables avec une force de conviction saisissante, elle glisse dans la folie sous nos yeux ébahis, elle s’empare de ce rôle à pleines mains et ne le lâche plus toute la pièce durant. Elle est l’épicentre du cyclone, un tourbillon à elle toute seule. On croirait la voir s’étouffer sur scène tandis que nous, spectateurs empathiques, haletons de concert avec elle, aux prises avec la même sensation de suffocation. Et lorsqu’elle expectore littéralement sur son lit d’hôpital en furie, en un manège vertigineux et exorcisant, son traumatisme et ses fantômes, sa souffrance vomie devient libération salvatrice et nous délivre dans le même mouvement de ce cycle infernal. Gare aux âmes sensibles.
Créé en résidence aux Plateaux Sauvages, le spectacle enchaîne pour 35 dates au Théâtre de l'Atelier.
Si le spectacle n’a pas encore trouvé sa vitesse de croisière, pêche encore dans ses transitions et sa dynamique d’ensemble, on ne doute pas qu’il trouvera sur la durée son rythme, gagnera en fluidité et déploiera pleinement la puissance de ses enjeux. Car l’essentiel est là, le suspense et le trouble enflent au fur et à mesure, l’atmosphère sombre et inquiétante happe le spectateur dès la première scène, les cauchemars se mêlent au réel jusqu’à se confondre avec lui. Léonard Matton mise sur la simplicité des moyens, un décor minimaliste avec mobilier facilement mobile pour signifier aisément chaque espace, un rideau transparent en fond de scène servant d’écran de projection et permettant de délimiter une zone de jeu supplémentaire en arrière-plan. L’inspiration cinématographique est évidente (Hitchcock et Brian de Palma flottent dans l'air) et il fallait une cinéphilie solide pour oser s’attaquer à pareil monstre filmique. Car ce scénario de l’angoisse, oppressant au plus haut point, a beau suivre la trajectoire individuelle d’un personnage fictionnel, il nous renvoie inévitablement à nos terreurs d’enfant, aux recoins obscurs de notre mémoire et de notre imaginaire, à des questionnements vertigineux. Et les démons, les sources d'effroi de cette psy à la dérive viennent nous vampiriser jusque dans la salle. Car Emmanuelle Bercot nous les rend palpables avec une force de conviction saisissante, elle glisse dans la folie sous nos yeux ébahis, elle s’empare de ce rôle à pleines mains et ne le lâche plus toute la pièce durant. Elle est l’épicentre du cyclone, un tourbillon à elle toute seule. On croirait la voir s’étouffer sur scène tandis que nous, spectateurs empathiques, haletons de concert avec elle, aux prises avec la même sensation de suffocation. Et lorsqu’elle expectore littéralement sur son lit d’hôpital en furie, en un manège vertigineux et exorcisant, son traumatisme et ses fantômes, sa souffrance vomie devient libération salvatrice et nous délivre dans le même mouvement de ce cycle infernal. Gare aux âmes sensibles.
Créé en résidence aux Plateaux Sauvages, le spectacle enchaîne pour 35 dates au Théâtre de l'Atelier.
Par Marie Plantin
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