Emmanuelle Bercot : "Je suis sortie des bas-côtés où j’aurais pu m’installer
Le 26 août 2019
Figure à part du cinéma français, cette réalisatrice exigeante est aussi une actrice habitée. Dans Fête de famille, de Cédric Kahn, elle joue la fille de Catherine Deneuve, qui sera l’héroïne de son prochain film. Portrait d’une authentique.
Au fond d’un café des Abbesses, à Paris, en ce jour de juin caniculaire, lunettes fumées sur le nez, tee-shirt ample et le visage détendu, elle sirote une eau gazeuse, prête à attaquer la promotion de Fête de famille, le nouveau film de Cédric Kahn. Elle y fait donc l’actrice, elle joue Claire, une quadra bipolaire, disparue depuis trois ans et bien décidée à récupérer l’argent que ses parents lui doivent. «Je suis quelqu’un d’excessif dans la vie, et j’aime pouvoir aller loin dans le jeu : ce personnage me permet de donner beaucoup et de jouer une femme non conforme, ce qui me va bien.»
Ce Festen à la française lui donne également l’occasion de réaliser deux de ses rêves : se trouver des frères de cinéma - Cédric Kahn et l’acteur Vincent Macaigne -, elle qui vient d’une fratrie de trois filles. Et aussi de jouer face à Catherine Deneuve. Depuis qu’Emmanuelle Bercot a fait tourner l’icône du cinéma dans Elle s’en va, en 2013, les deux femmes sont restées très liées.
«Sur un plateau, Catherine est comme dans la vie : généreuse, attentive, encourageante et très concernée par tous les aspects du film. Elle représente l’image de la mère idéale pour moi. D’ailleurs, elle est assez maternelle dans ses gestes ou la tendresse de ses regards. Je sais que rien n’est fabriqué chez elle.»
Une joie de vivre
Une joie de vivre
Un modèle plutôt éloigné de sa propre mère, qu’elle qualifie de «très particulière» et qui a travaillé dans «des milieux ésotériques comme guérisseuse». Si la maman détonnait un peu à la sortie de l’école, Emmanuelle Bercot reconnaît avoir hérité de sa joie de vivre - le rire franc et communicatif de l’actrice est reconnaissable entre mille -, de sa spontanéité, mais aussi de sa curiosité des autres. Dans la famille Bercot, c’est donc le père, chirurgien, qui a joué l’autorité. «Je voulais exercer le même métier que lui. Ce que je préférais faire le mercredi et le week-end quand j’étais adolescente, c’était aller le voir opérer.»
À 15 ans, découragée de constater que peu de femmes exercent dans le bloc opératoire, la jeune fille se tourne vers une autre passion : la danse. De fil en aiguille, elle découvre le théâtre, puis le cinéma. Mais longtemps après, elle a gardé cette fascination pour le monde médical et elle en fera le sujet de son prochain film comme réalisatrice.
Actrice a beau être «un métier de rêve», pour Emmanuelle Bercot le besoin de redevenir capitaine du plateau est le plus fort. De son vivant, son sixième film, en tournage en octobre, dresse le portrait d’une mère (Catherine Deneuve) et de son fils atteint d’une maladie incurable (Benoît Magimel). Suivis par un cancérologue, ils vont tenter d’accepter le mieux possible l’épée de Damoclès. «J’ai l’impression que mon cinéma évolue, je suis davantage sensible au fait de parler au plus grand nombre. À mes débuts, envisager des films avec des acteurs connus était impensable, mais j’ai changé d’avis en travaillant avec Deneuve. Je suis sortie des bas-côtés où j’aurais pu m’installer.»
Une âme d’enfant
Une âme d’enfant
Le temps apaiserait-il l’actrice-réalisatrice ? Pas vraiment. «Enfant, je croyais que la vie s’arrêtait à 40 ans. Maintenant que j’ai franchi le cap, je constate que passé cet âge, rien n’est facile pour une femme. L’énergie, la capacité de séduire et de s’amuser… tout finit par s’envoler. Mais il faut savoir dire adieu à certaines choses qui font le sel de la jeunesse, car le risque est de souffrir et de devenir pathétique.» La clé pour garder une certaine vitalité, selon elle, est de toujours garder son âme d’enfant. Elle admet d’ailleurs que les acteurs qui ont perdu ce feu sacré ne l’intéressent plus trop.
Cinéma, théâtre - elle a récemment foulé les planches du Théâtre de l’Atelier, à Paris, pour incarner une psychiatre au bord du suicide dans Face à face, mis en scène par Léonard Matton -, le seul moment où elle profite pleinement de sa vraie vie, «c’est avec des enfants ou des jeunes, car ils vous emportent». Elle retrouve cette fraîcheur auprès de son fils, Nemo, acteur et chanteur de 19 ans, dont le père est le directeur de la photographie Guillaume Schiffman : «J’aurais adoré m’avoir comme mère. On rigole beaucoup à la maison !» Réalisatrice, actrice, «mère folle et unique en son genre», d’après son fils, Emmanuelle Bercot a l’habitude des changements de rôle.
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