La Tête haute d'Emmanuelle Bercot
Emmanuelle Bercot fait le portrait d'un adolescent délinquant engagé dans une spirale incontrôlable. Un film âpre, répétitif et tendu jusqu'à l'hystérie.
La filmographie d'Emmanuelle Bercot aime s'aventurer en zones sensibles, la cinéaste semblant ne rien tant apprécier que de prendre des sujets de société à bras-le-corps, qu'il s'agisse de la prostitution estudiantine dans Mes chères études, ou du quotidien d'une Brigade des mineurs dans Polisse, le film de Maïwenn dont elle signait le scénario. La Tête haute navigue dans de mêmes eaux, qui entreprend de tracer, sur une période de douze ans, le portrait d'un jeune délinquant qu'une juge et un éducateur vont tenter d'arracher à la spirale infernale dans laquelle il est aspiré, en décrochage familial -son père est aux abonnés absents et sa mère démissionnaire- comme scolaire...
Soit donc Malony, que l'on découvre à l'âge de six ans, lorsque sa mère (Sara Forestier), cassée par l'existence, décide, sur un énième coup d'éclat, de planter dans le bureau d'une juge (Catherine Deneuve, déjà de Elle s'en va, le précédent opus, lumineux celui-là, de la réalisatrice). Et le début d'une fuite en avant, pavée de délits et de récidives, qui conduira le gamin de famille d'accueil en CEF puis en CER, son horizon de mineur délinquant semblant ne plus devoir finir de s'étriquer. Une dynamique destructrice rythmée par ses auditions à répétition chez la juge, figure autoritaire et maternelle à la fois qui va tenter de lui maintenir la tête hors de l'eau, avec l'appoint d'un éducateur (Benoit Magimel) ayant lui-même connu une enfance difficile.
Tension paroxystique
Il est assurément tentant de voir dans La Tête haute le petit frère du Polissesusmentionné. Emmanuelle Bercot s'y empare d'un sujet voisin -la justice des mineurs dans son cas- en privilégiant une même démarche d'inspiration documentaire, démontant les rouages d'un système avec une volonté d'inventaire manifeste, en une photographie où la vie viendrait, toute urgence et violence dehors, imposer ses lignes de fracture. Si les intentions sont assurément louables, qu'il s'agisse d'appréhender une réalité blême sans faux-fuyants, ou de saluer les mérites de ceux qui, envers et contre tout, refusent de baisser les bras, en un apostolat quotidien, la manière est toutefois plus discutable. Traduisant éloquemment un sentiment d'enfermement, la mécanique répétitive du film se révèle aussi décourageante sur la longueur. Un sentiment encore aggravé par un scénario prévisible à l'excès, et une disposition outrancièrement hystérique, comme si la tension, pourtant bien palpable, se devait d'être poussée à son paroxysme. Reste toutefois, au-delà des lourdeurs et maladresses, un film-témoignage viscéral et saisissant, auquel Rod Paradot apporte une intensité brute, crevant l'écran dans un mélange de rage et d'énergie désespérée...
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