mardi 26 mai 2015

J't'aime par Gabrielle Teissier K. Médiapart

C’est d’amour dont ils ont besoin, les jeunes qui sont largués. Comme nous tous. Rod Paradot l’a compris et a incarné ce besoin tout le long du film, "La tête haute", d'Emmanuelle Bercot.
J’ai parlé du film avec une collègue ce matin. J’ai dit que tous ceux qui travaillent avec des humains devraient voir ce film. Être aimé pour pouvoir être aimé à son tour. C’est le lot de tous les êtres humains. Et c’est une des clefs pour changer notre société. Elle m’a raconté qu’il y a longtemps, elle avait effectué un stage dans un centre de la petite enfance, dans lequel se trouvaient des bébés. Elle avait pris un nourrisson dans ses bras, et on lui a montré comment le tenir. Qu’elle devait garder ses distances avec les petits, notamment avec les bébés qui ne devaient jamais sentir sa peau contre la leur… Elle a choisi de travailler avec des adultes…



On voit le résultat de ce genre de culture professionnelle dans le film si important, « La tête haute ». Malony, le jeune garçon qui en a tellement bavé, quand il voit pleurer son éduc que sa femme venait de quitter a trouvé les mots pour l’apaiser… « J’t’aime ». L’autre était tellement surpris, qu’il l’a fait répéter. Et c’est sûr que lui, ce gamin, il l’aimait aussi et depuis bien avant que lui ne puisse le lui dire aussi simplement. Mais voila, il n’avait pas le droit de le lui dire. C’est défendu. Ça pourrait créer de la dépendance et trop d’espoir sans doute, comme ils disent…
Tous ceux qui sont à la dérive quand ils sont grands et on ne se remet jamais tout à fait de ne pas avoir été aimé, racontent comment ils ont manqué d’amour, petits. De la cruauté à l’abandon, en passant par tous les sévices possibles et imaginables, ils racontent ça et rien d’autre. Ils n’ont pas eu d’amour. Oui on a le droit d’aimer les gens. Non seulement on a le droit mais si on veut aider, on le doit et si on ne sait pas il vaut mieux faire autre chose. Oui on a le droit d’être soi-même sans passer une armure pour se protéger, comme si on partait à la guerre. Quand on aime on ne frappe pas, on n’abandonne pas, on ne ment pas, on ne fait pas de mal. Quand on aime on protège, on encourage, on comprend, on écoute et parfois on peut le dire, qu’on aime. Et c’est quoi aimer dans ce contexte, c’est respecter l’autre pour ce qu’il est, et c’est l’aider à devenir qui il est.

3 commentaires:

Martine F. a dit…

Ce texte me touche beaucoup et résonne en moi. J'ai eu au cours d'une expérience professionnelle auprès de jeunes enfants en grande difficulté sociales, et autres, le même conseil : gardez vos distances, ne vous attachez pas ! Ce stupide principe entrave, dresse un mur entre les mains qui se tendent l'une vers l'autre, d'un côté pour aider, de l'autre pour solliciter, toutes les deux animées de cet amour à donner et à recevoir, qui ne demande qu'à circuler d'un cœur à l'autre. Et comment "désobéir" ? Une rébellion, un engagement manifeste et l'enfant est retiré de la famille ! Faudrait-il tricher ? Comment le pourrait-on avec les sentiments ? Alors, on s'arrange avec la mesure, en espérant que l'autre aura compris, intégré, la profondeur et la sincérité de ce qui ne peut être exprimé. Il y aurait tant à dire !... Merci pour ce beau texte. Il nous encourage à la spontanéité.

Anonyme a dit…


Très beau texte et très beau commentaire, qui en lisant ...cet amour à donner et à recevoir, qui ne demande qu'à circuler d'un coeur à l'autre, me fait ajouter cet extrait d’un entretien avec sœur Emmanuelle, par Annie Jeanneret
« Vivre, c’est avoir une double relation :
Verticale vers Dieu, horizontale avec les hommes, nos frères.
Vivre, ce n’est pas cheminer tout seul, c’est progresser en cordée.
La vie, c’est ce va-et-vient de mains qui se tendent, qui se serrent, qui s’agrippent, cet échange de regards, de paroles, de sourires, d’appels, de cris qui créent entre les hommes des liens d’une solidité incomparable : cette sorte de respiration collective, ce souffle qui passe d’une bouche à une autre bouche, cette force qui passe d’un coeur à un autre coeur.

Tarteen a dit…

L'amour, décidément, inspire... Ces paroles de sœur Emmanuelle sont le miroir, en meilleur reflet concernant l'expression, de ce que je voulais dire. Merci, Anonyme ! Que la vie vous soit douce !