mercredi 13 mai 2015

Momo est devenu Benoit



La tête haute. C'est le titre du film d'Emma­nuelle Bercot,
qui ouvre les festi­vi­tés cannoises.
La tête haute, c'est aussi comme ça que Benoît Magi­mel avance dans la vie.
Gala: Le manque de père, est-ce quelque chose que vous avez revécu à travers ce film?
Benoît Magi­mel: J’ai réglé tout ça depuis long­temps! A un moment, il faut savoir dire au revoir au gamin qu’on a été. La recon­nais­sance du père, je l’ai eue grâce au cinéma. Je ne sais pas comment l’ex­pliquer, mais le cinéma a tout de suite calmé ou réparé ça. Quant aux bles­sures, on ne les règle pas, mais on les porte, on fait avec, on sait faire avec, surtout. Si j’avais fait ce film il y a quelques années, je l’au­rais peut-être vécu diffé­rem­ment, mais à quarante ans, étant père moi-même, je ne me suis pas iden­ti­fié, j’ai davan­tage porté un regard pater­nel sur ce môme.
Gala: D’où vous vient ce désir d’être acteur?
B.M.: Ma mère dit que la fibre artis­tique devait venir de mon grand-père, que j’ai très peu connu. C’était un enfant de l’As­sis­tance publique, il a fait une carrière mili­taire, mais il était attiré par les arts, l’opé­rette. J’ai le souve­nir de lui, à soixante-dix ans passés, déguisé en tutu pour un mariage. Et le cinéma c’est ça, l’art du dégui­se­ment. C’est toujours ce que j’ai voulu faire dans ce métier: me trans­for­mer en partant de soi. D’ailleurs, quand j’ai commencé dans des cours de théâtre, au collège, j’ai­mais surtout faire le clown, amuser la gale­rie. Le destin a voulu qu’on m’offre des rôles plus graves. Je pense que c’est dû au fait que je me suis beau­coup protégé.
Gala: Se proté­ger?
B.M.: Je vais vous racon­ter un souve­nir qui, pour moi, a été déter­mi­nant. Après La vie est un long fleuve tranquille, j’ai été contacté par Jacques Doillon. Il prépa­rait un long-métrage, pensait à moi pour le rôle, mais voulait me rencon­trer, discu­ter avant. Je suis allé dîner trois ou quatre fois avec lui. J’étais enthou­siaste car ma mère était fan de ce metteur en scène. Et puis, du jour au lende­main, je n’ai plus eu de nouvelles. A partir de ce moment-là, j’ai décidé de ne plus parler de moi, de ne plus livrer ma vie, ce que je faisais volon­tiers avant, car j’avais envie d’être écouté, qu’on s’in­té­resse à moi, d’être aimé tout simple­ment. J’ai donc commencé à me proté­ger suite à des décep­tions comme celle que je viens de racon­ter, ajou­tées au fait qu’à la fin d’un tour­nage, quand tout s’ar­rête, chacun retourne à sa vie, il y a un vide à gérer et affec­ti­ve­ment on est touché. Je parle de tout ça à Rod (Rod Para­dot, qui joue Malony, l’ado­les­cent au centre du film, ndlr). C’est impor­tant, c’est bien de tendre la main.

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