Cannes : un festival médiocre mais une soirée de clôture exceptionnelle
Notre chroniqueur Pierre Faure revient avec humour et émotion sur le palmarès de la cuvée 2015 du festival de Cannes Dernière mise à jour : 26/05/2015 à 15:13
« Quelle affaire !» : ce sont, dit-on, les premiers mots d’une extrême banalité prononcés par François Mitterrand en 1981 quand on lui a appris qu’il avait gagné. M’inspirant comme à l’habitude des grands auteurs, j’ai envie de dire après Cannes : quelle affaire ! Bien qu’ayant participé à huit festivals, et lu depuis beaucoup de littérature sur le sujet, je n’avais jamais vu ça : un festival semble-t-il médiocre, une soirée de clôture exceptionnelle.
Passons tout de suite sur une pensée d’ordre humoristique. J’avais tellement lu partout que la publicité était omniprésente, que les grandes marques de luxe accaparaient toute l’attention au point d’en étouffer les festivaliers, que j’attendais un palmarès du genre : 1. L’Oréal, 2. Chaumet 3. Renault. Première bonne surprise : vous savez sans doute qu’il n’en fut rien. Ce qui allait survenir par la suite, dimanche soir en clair sur Canal +, fut inoubliable.
La totale pour le cinéma français
Première caractéristique extraordinaire de ce 68ème festival, que tout le monde connaît, un président de jury à deux têtes, celles des frères Cohen. Et puis voilà encore du jamais vu : la réalisatrice d’un film présenté à Cannes ( La tête haute) couronnée meilleure comédienne dans un autre film (vous suivez ?). Renseignez vous sur une certaine Emmanuelle Bercot, vous comprendrez. Et puis, je ne voudrais pas abuser de votre temps, mais il y en a une troisième. Les trois principales récompenses (palme d’or et prix d’interprétation) pour le cinéma d’un même pays que vous connaissez sans doute : la France. La totale, trois victoires ! Comme le Paris Saint Germain, mais sans l’argent du Qatar ! J’ajoute aussi que ce soir là, mais ça n’a rien à voir, j’ai été ébloui, subjugué, terrassé par la beauté de Cécile de France (de France, encore ! C’est fou, non ?).
Mais je blablate, alors que je suis là pour vous donner le palmarès et le commenter. Le palmarès, vous le connaissez. Mes commentaires, non, mais il y a un petit problème : je n’ai vu que deux films de Cannes, ceux qui sont déjà sortis sur les écrans, La tête haute et La loi du marché, tous deux magnifiques. Rien vu de tous les autres. Le prochain qu’on pourra voir, c’est Valley of love de Guillaume Nicloux sortie ce 17 juin puis (le plus cochon, mais je ne sais pas pourquoi je vous dis ça), Love de Gaspard Noé, le 15 juillet. Surprise totale, évidemment, pour la palme de Jacques Audiard, et surtout immense déception pour l’absence au palmarès de mes deux chouchous Nanni Moretti et Robert Guédiduian.
« J’ai chialé »
Mais on n’en est plus à une surprise près. Et puis tant de choses me l’ont fait oublier. Il faut que je vous l’avoue, j’ai pleuré (« chialé », disent les jeunes). Pas deux ou trois petites larmes le long de la joue comme d’hab’. Non : la vallée de larmes, longue, inarrêtable. Le coupable : Vincent Lindon. Son intervention spontanée, naturelle, authentique, les larmes aux yeux, aurait même ému Marine Le Pen. Une autre a produit un résultat identique, mais je n’avais plus de larmes : Emmanuelle Bercot, venue dire merci pour son prix d’interprétation.
Voilà. Ah, j’oubliais : j’ai eu aussi un bref éclat de rire grâce à Jacques Audiard. Venu chercher sa palme, il a dit : « Je remercie Mikael Haneke de n’avoir pas fait de film cette année ». Quand je vous disais que c’était une soirée de palmarès exceptionnelle. Ne vous précipitez pas sur la prochaine, en mai 2016 : ça se produit une fois tous les 49 ans (1946-2015). Pour le commentaire des films de la semaine, reportez vous à un journal concurrent.
Pierre Faure
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