LA TÊTE HAUTE
d’Emmanuelle Bercot
Film français, 1 h 59
Pas de Gatsby le Magnifique ou de Grace de Monaco à l’horizon du tapis rouge, en ce début de 68e Festival de Cannes. En projetant La Tête haute d’Emmanuelle Bercot en film d’ouverture, Thierry Frémaux, délégué général et programmateur de la manifestation, a écarté le glamour pour entrer directement dans le vif d’un sujet social, traité dans un élan d’énergie brute.
La Tête haute décrit le parcours heurté, violent, d’un enfant – de ses 6 à ses 18 ans – à travers la relation qu’il entretient, bien malgré lui, avec une juge pour enfants (Catherine Deneuve, que la cinéaste retrouve après le beau Elle s’en va) et l’éducateur chargé de son suivi (Benoît Magimel). Mère inconséquente (Sara Forestier) qui l’a eu bien trop jeune, insécurité affective, instabilité du foyer déserté par le géniteur…
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RÉCIT D’UNE DÉRIVE
Emmanuelle Bercot donne à ressentir les états psychologiques de cet enfant livré à lui-même et déroule, sans surcharge, sans regard surplombant, l’engrenage implacable qui le mène de placement en foyer, de foyer en centre d’éducation ouvert, puis fermé, jusqu’à la case prison…
Le bureau de la juge est le lieu témoin de la dérive de ce jeune garçon d’abord ingérable, puis plein de rage contre les autres et lui-même, lié à sa mère par une relation d’amour quelque peu toxique.
On l’y retrouve à intervalles réguliers, lors de scènes qui scandent le film et enregistrent les décisions de plus en plus sévères que l’autorité judiciaire prend à son encontre.
ENTRE POLISSE ET MOMMY
Par une succession d’échos plus ou moins évidents, le spectateur sera tenté de faire le lien entre La Tête haute et deux autres films qui ont connu, ces dernières années, les honneurs du festival de Cannes : Polisse, de Maïwenn (dont Emmanuelle Bercot fut la coscénariste), chronique quotidienne de la vie d’une brigade de protection des mineurs, et Mommy, de Xavier Dolan.
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Si les trois films ont leurs propos, leur ton et leur génie propre, ils ont en commun d’évoquer, chacun avec leur singulière justesse, les conséquences judiciaires d’une parentalité défaillante, la manière dont l’état supplée à cette défaillance, la place et l’avenir que la société réserve à ceux qui « sortent du cadre ».
MALONY, RAGE ET FRAGILITÉ RÉUNIS
Le personnage de Malony, porté avec brio par le jeune Rod Paradot, imprègne le film de sa rage explosive, mais aussi de sa fragilité et de son désir – tardif – de « saisir les mains qu’on lui tend ».
En donnant à La Tête haute une dimension sentimentale inattendue, Emmanuelle Bercot atténue la rudesse de son récit sans en amoindrir la portée dramatique.
L’issue apaisante qu’elle propose – peut-être un peu trop belle, hélas, mais rêvons avec elle – résonne comme un refus de tous les déterminismes.
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